Les parlementaires européens ne prennent pas le dalaï-lama au sérieux

par Albert Ettinger, le 12 février 2018

Le 18 janvier 2018, le Parlement européen adopta une résolution « sur les cas des militants pour les droits de l’homme » en Chine, critiquant e. a. le procès contre le Tibétain Tashi Wangchuk qui est accusé d’activités séparatistes. Dans la longue résolution (1), les Parlementaires admettent, du moins implicitement, qu’ils considèrent eux-mêmes la retraite politique du dalaï-lama comme étant une imposture. Ils confirment au contraire que c’est toujours lui qui est le chef de file du « gouvernement en exil » et du séparatisme tibétain.

 

Strasbourg, le Parlement européen (Source : Wikimédia commons)
Strasbourg, le Parlement européen (Source : Wikimédia commons)

«Le dalaï-lama va renoncer à son rôle politique » titre Le Figaro le 10 mars 2011 et répète dans l’article qui suit cette annonce fracassante : « Le dalaï-lama va se retirer. Le chef spirituel des Tibétains en exil a annoncé jeudi son intention de renoncer à son rôle politique, estimant que le temps était venu de laisser sa place à un nouveau dirigeant ‘librement élu’. » Cela, il l’avait déjà évoqué à plusieurs reprises. « Mais cette fois-ci, le dalaï-lama a annoncé qu'il déposerait un amendement permettant d'engager sa succession dès la semaine prochaine, lors de la session du Parlement tibétain. » (2) Comme presque toujours quand il s’agit du Tibet, les grands médias répètent en chœur et dans des mots identiques ce qui émane de Dharamsala. Le Parisien annonce donc le même jour « Tibet : le dalaï-lama renonce à son rôle politique » (3); Europe 1 répète « Le dalaï-lama se retire de la politique » (4), et ainsi de suite.

Les médias saluaient alors à l’unisson que le dalaï-lama avait décidé « de laisser sa place à un nouveau dirigeant ‘librement élu’ », donnant ainsi une belle leçon de démocratie au « régime » de Pékin. Et ils ne manquaient pas de souligner l’agacement de Pékin, en relatant que l’annonce de « Sa Sainteté » avait aussitôt été « qualifiée de ‘ruse’ destinée à ‘tromper la communauté internationale’ » par la voix du porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Jiang Yu.

Eh bien, le Parlement européen, par le biais d’une résolution antichinoise (quel joli paradoxe !), vient de confirmer noir sur blanc que M. Jiang Yu avait vu juste. La retraite et la déclaration fracassante du vieux renard de céder définitivement tout pouvoir politique étaient bel et bien une ruse, un attrape-nigaud, bref : une farce.

En effet, à côté de l’obligatoire condamnation des « campagnes anti-bouddhisme » ainsi que des « mesures destinées à placer la gestion des monastères bouddhistes tibétains sous la tutelle de l’État » (les parlementaires préfèrent que ces monastères soient des zones de non-droit, des royaumes indépendants où les abbés font la loi), la résolution que le lobby de Dharamsala a passée au Parlement européen comporte un passage tout à fait éclairant. Le PE y « réitère l’appel adressé au gouvernement chinois pour qu’il noue le dialogue avec Sa Sainteté le dalaï-lama et ses représentants, et exprime son soutien en faveur d’une résolution pacifique de la question du Tibet par le dialogue et la négociation en vue d’accorder à celui-ci une véritable autonomie dans le cadre de la constitution chinoise ».

Hémicycle du PE à Bruxelles (Source : Wikimédia commons)
Hémicycle du PE à Bruxelles (Source : Wikimédia commons)

Pourquoi donc le Gouvernement chinois devrait-il négocier avec un « simple moine » qui a renoncé, il y a déjà sept ans, à tout rôle politique ? Et qui sont « ses représentants » qui sont mentionnés dans cette résolution ? Il ne peut pas s’agir de fonctionnaires du « gouvernement en exil », puisque ceux-là ont été, nous dit-on, élus démocratiquement par les Tibétains en exil qu’ils sont censés représenter. Ils ne sont donc plus les représentants d’une « Sainteté » qui n’a plus aucune autorité sur eux, hormis la « spirituelle ». Sauf si…

Quelle farce, messieurs les parlementaires, et quel dilettantisme !

 

Notes :

  1. La résolution est reproduite sur http://www.tibet.fr/actualites/resolution-parlement-europeen-18-janvier-2018-cas-militants-droits-de-lhomme-wu-gan-xie-yang-lee-ming-che-tashi-wangchuk-ainsi-moine-tibetain-choekyi/
  2. http://www.lefigaro.fr/international/2011/03/10/01003-20110310ARTFIG00387-le-dalai-lama-va-renoncer-a-son-role-politique.php
  3. http://www.leparisien.fr/international/tibet-le-dalai-lama-renonce-a-son-role-politique-10-03-2011-1352166.php
  4. http://www.lejdd.fr/International/Asie/Actualite/Le-dalai-lama-se-retire-de-la-vie-politique-281161