Harrer, le nazi préféré du dalaï-lama et des tibétologues négationnistes

par Albert Ettinger, le 9 décembre 2018

Dans mon article sur les « tibétologues négationnistes », publié en cinq volets sur ce site à partir du 1er août 2018, j’ai traité en détail de l’expédition SS au Tibet et j’ai démontré que celles que j’ai appelées « la fine fleur de la tibétologie universitaire française (Françoise Robin, Anne-Marie Blondeau, Katia Buffetrille et Heather Stoddard) » n’avaient pas hésité à faire « l’apologie des SS et du ‘Troisième Reich’ ».(1)

Par souci de cohérence et de rigueur, j’ai évité alors de parler plus en détail de cet autre nazi au Tibet que fut Heinrich Harrer, l’ami et « précepteur » du 14ème dalaï-lama. C’est pourtant aussi de Harrer qu’il s’agissait quand les coryphées de la tibétologie française osèrent accuser la Chine de relayer des « mythes néonazis », et c’est cette accusation d’un culot et d’une infamie à peine croyables qui m’a fait dire qu’elles avaient jeté par-dessus bord « leur dernier petit reste d’honnêteté intellectuelle » et avaient atteint « le comble de l’ignominie ».

 

Les accusations d’une gravité exceptionnelle que j’ai portées auraient normalement dû provoquer une réaction indignée de la part de celles dont l’intégrité et l’honneur professionnel ont ainsi été mis en cause. Mais au lieu d’une mise au point fulgurante ou, pourquoi pas, d’une plainte en diffamation, la seule réaction des Robin, Blondeau et autres Buffetrille a été un silence que j’appellerais « retentissant ».

Est-ce là le signe d’un dédain, fruit d’une arrogance et d’un orgueil plutôt injustifiés, et d’un ridicule sentiment de supériorité d’universitaires prétentieux ? Est-ce qu’on a décidé qu’il valait mieux se retrancher dans sa tour d’ivoire transformée pour l’occasion en donjon ? Ou est-ce que ces dames, sachant parfaitement être à court d’arguments, ont préféré attendre simplement que l’orage passe ?

Quoi qu’il en soit, leur affirmation mensongère prêtant une origine chinoise (et néonazie !) aux révélations sur le passé de Heinrich Harrer mérite qu’on s’y attarde un peu. De quoi s’agit-il ?

L’infâme mensonge

Le « gouvernement chinois aime à relayer » des « mythes propagés depuis les années 90 par certains groupuscules néonazis », écrivent Françoise Robin, Anne-Marie Blondeau, Katia Buffetrille et Heather Stoddard en 2008 dans une mise au point publiée par Libération.(2) Pour (toute) preuve, elles citent un article de la Beijng Review de mars 1998 sur le passé nazi de Heinrich Harrer, l’ami intime du 14e dalaï-lama. L’article incriminé porte le titre « Nazi authors Seven Years in Tibet » (Un nazi est l’auteur de Sept ans au Tibet).

Françoise Robin, quant à elle, persiste et signe dans le petit volume sur les Clichés tibétains paru sous sa « direction » en 2011. Dénonçant le prétendu « cliché » des amitiés sulfureuses du dalaï-lama, en particulier avec des nazis, la tibétologue française répète : « Depuis quelques années, l’appareil de propagande chinois s’est emparé de l’amitié entre Harrer et le dalaï-lama pour discréditer ce dernier : la revue officielle Beijing Review a publié en 1998 un article intitulé ‘Nazi Authors Seven Years in Tibet’ (‘Un nazi rédige [sic] Sept ans au Tibet’), article qui fut repris opportunément en 2008 et a abondamment circulé sur internet depuis lors. »(3) Le lecteur doit déduire nécessairement de ces propos que l’« appareil de propagande chinois » en général et la Beijing Review en particulier furent à l’origine de la discussion sur le passé nazi de Harrer ou y jouaient du moins un rôle prédominant. Qu’en est-il en vérité ?

Harrer avec son fidèle ami, le 14e dalaï-lama (Source : facebook)
Harrer avec son fidèle ami, le 14e dalaï-lama (Source : facebook)

Le film de Jean-Jacques Annaud et « l’affaire Harrer »

La nécrologie publiée en 2006 par Le Monde suite au décès de Harrer le rappela pourtant à bon escient : « En 1997, l'adaptation hollywoodienne de son best-seller, Sept ans d'aventures au Tibet, avait fait remonter à la surface un passé bien caché : l'engagement nazi de ses années de jeunesse. »(4)

Car ce fut en effet au printemps 1997, déjà, dans le contexte de la sortie imminente du film Seven Years in Tibet de Jean-Jacques Annaud que des révélations sur le passé nazi de Harrer, le « précepteur » et ami du dalaï-lama, avaient défrayé la chronique de la presse internationale. L’article de la Beijing Review incriminé par les « chercheuses » de l’INALCO, ne fit donc que rendre compte d’une « affaire Harrer » qui avait éclaté et fait de hautes vagues en Occident une année auparavant.

L’affaire Harrer, de quoi s’agissait-il au juste ? Donnons la parole à un critique de cinéma français pour nous renseigner, d’abord sur le film qui suscita la polémique et ensuite sur la nature et l’origine des reproches adressés à Harrer :

« Le biopic de Jean-Jacques Annaud, Sept ans au Tibet, devait couronner en beauté la carrière d'aventurier de l'alpiniste autrichien Heinrich Harrer », se souvient une certaine Aurélie Lainé, en septembre 2015, à l’occasion de la diffusion du film sur une chaine de télévision française, dans les colonnes de l’hebdomadaire Télé Star qui n’est pas tellement réputé pour diffuser de la propagande chinoise.

« Adapté de son roman éponyme, écrit en 1952 à son retour au pays alors qu'il a dû fuir le Tibet envahi (sic !) par les troupes de Mao, le film de J.J. Annaud retrace de 1939 à 1946, l'incroyable odyssée himalayenne de Harrer et sa rencontre avec le dalaï-lama, encore adolescent. »

La journaliste de la presse « populaire » qui, notons-le au passage, semble mieux informée (ou moins fourbe) que certaines tibétologues universitaires françaises, poursuit, après un bref résumé de la biographie épurée de Heinrich Harrer et sous le titre « Un journaliste du magazine Stern dévoile son passé nazi » :

« Voilà pour l'histoire officielle. Heinrich avait de quoi être fier, Hollywood déboursait 70 millions de dollars (soit 63 millions d'euros) pour porter à l'écran son incroyable histoire, émaillée d'exploits sportifs époustouflants. Un an avant la sortie du film, Harrer, âgé de 85 ans, "dernier explorateur du siècle" selon Vanity Fair, savourait l'admiration que lui portait Brad Pitt (qui l'incarne à l'écran), venu lui rendre visite avec le réalisateur Jean-Jacques Annaud.

Mais voilà, un jour de printemps 1997, l'enquête d'un jeune journaliste autrichien, Gerald Lehner, paru dans le magazine Stern fait l'effet d'une bombe. Le beau vernis entourant l'admirable existence de Heinrich Harrer se craquelle. Le journaliste révèle en effet le contenu compromettant d'un dossier qui dormait depuis cinquante ans dans les archives du IIIe Reich conservées à Washington. Celui de Heinrich Harrer.

Il s'avère que dès 1933, Heinrich Harrer, étudiant de 21 ans à Graz - principal foyer du nazisme en Autriche - s'engage dans les SA (sections d'assaut), une organisation illégale dans son pays, impliquée dans divers attentats et assassinats ainsi que le maintien d'ordre de manifestations nazies. Puis, en 1938, à la veille de l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne, Harrer, âgée (sic !) de 26 ans, entame sa procédure d'adhésion aux SS. »(5)

« L’appareil de propagande chinois » du New York Times ?

Dans les archives en ligne du New York Times se trouve un article, écrit par un certain Bernard Weinraub et publié le 21 juin 1997, qui prouve que le passé nazi de Harrer fit la une de la presse américaine bien avant la parution de l’article de la Beijing Review. On y peut lire, sous le titre « Le tuteur du dalaï-lama, représenté par Brad Pitt, n'a pas fait que traverser l'Himalaya » :

« Un prochain film mettant en vedette Brad Pitt dans le rôle d'un alpiniste autrichien qui se rend au Tibet pendant la Seconde Guerre mondiale et se lie d'amitié avec le jeune dalaï-lama a été plongé dans la controverse sur la révélation que l'Autrichien a un passé nazi. […] Ce qui a provoqué un malaise et des critiques, c'est la révélation détaillée, à la fin du mois dernier, par le magazine allemand Stern que M. Harrer était un membre de la SS d'Hitler, la police spéciale nazie, avec un grade équivalent à celui de sergent. Le magazine a également publié une photo de M. Harrer avec Hitler, qui le félicitait pour une expédition d'alpinisme. M. Harrer n'avait jamais indiqué qu'il était dans la SS, disant seulement qu'il avait été fait prisonnier par les Britanniques parce qu'il était Autrichien, alors qu'il faisait une expédition d'alpinisme dans l'Himalaya. »

Couverture du livre publié par la Maison Centrale d’Édition du NSDAP (parti nazi) célébrant l’ascension de la face nord de l’Eiger par Harrer et ses co-équipiers
Couverture du livre publié par la Maison Centrale d’Édition du NSDAP (parti nazi)
célébrant l’ascension de la face nord de l’Eiger par Harrer et ses co-équipiers

« Stern a rapporté que M. Harrer avait rejoint la SA (Sturmabteilung, ou section d’assaut) nazie en Autriche en 1933, alors que l'organisation était encore illégale. Cinq ans plus tard, il rejoint la SS (Schutzstaffel, ou Compagnie de protection) élitiste. Le magazine publia également un document de 1938 dans lequel M. Harrer demanda à Heinrich Himmler, le dirigeant SS, l'autorisation de se marier et fournit les arbres généalogiques nécessaires pour montrer que lui et sa future épouse étaient des prétendus Aryens. La permission a été accordée.

Les révélations ont fait sursauter les dirigeants et les producteurs liés au film, l'un des plus chers prévus pour l'automne. »

L’article du NYT donna ensuite la parole à une personnalité juive pour commenter l’affaire :

« Le rabbin Abraham Cooper, doyen associé du Centre Simon Wiesenthal de Los Angeles, un groupe de défense des droits de l'homme pour les études et les questions relatives à l'Holocauste, [...] dont l'organisation a rendu disponibles des documents traduits de l’allemand sur M. Harrer, a déclaré que le Centre Wiesenthal était consterné que l'Autrichien n'ait jamais admis être un membre de la SS. "Personne ne l'a forcé à rejoindre les SS, dit le rabbin Cooper. Voici quelqu'un qui insiste pour être sous les feux de la rampe et qui n'a jamais profité de cette occasion pour faire une déclaration définitive en disant : ‘Je n'étais pas un enfant. J'ai fait une terrible erreur. J'ai volontairement embrassé une idéologie raciste qui a failli ruiner cette planète.’ "

Le rabbin Cooper a ajouté : "Il souffre de la maladie de Waldheim." Il s'agit d’une allusion à Kurt Waldheim, l'ancien Secrétaire général des Nations Unies, qui a caché son passé nazi pendant des décennies. »(6)

Les tibétologues françaises ont peut-être leur nez trop souvent et trop profondément plongé dans des écritures saintes lamaïques pour trouver le temps de suivre ce qu’écrit la presse internationale. Mais l’affaire Harrer fit aussi des vagues en France, déjà à cause du fait que le réalisateur hollywoodien du film à la gloire du nazi autrichien était un Français.(7)

Des âmes sœurs. Comme dans le film d’Annaud… (Source : Pinterest)
Des âmes sœurs. Comme dans le film d’Annaud… (Source : Pinterest)

« Erreurs de jeunesse » et « métamorphose intime » ?

L’article de Télé Star cité précédemment s’intéresse aussi à la réaction de Harrer face à la résurgence de son passé, en notant : « Les preuves sont sans appel. Cependant, Harrer, à la publication de l'article de Gerald Lehner, justifie son engagement dans les SS comme une erreur de jeunesse : "Ma conscience est claire sur mes activités sous le régime de Hitler. Néanmoins, je considère ces événements comme l'une des aberrations de ma vie, peut-être la plus grande, et je regrette profondément que ces événements puissent produire une fausse impression." » (8)

Harrer aurait donc enfin éprouvé des regrets ? Mais attention : Après avoir gardé le silence le plus complet sur son passé nazi pendant cinquante ans, après l’avoir nié obstinément, jusqu’à ce que lui soient présentées des preuves irréfutables, après avoir aussi nié toute relation d’après-guerre avec les anciens camarades SS de l’expédition Schäfer au Tibet (relation confirmée e. a. par Bruno Beger), Harrer rata encore et toujours l’occasion de demander pardon aux victimes de la barbarie nazie. Car ses regrets ne les concernent pas, eux ; ce qu’il regrette, c’est simplement une éventuelle « fausse impression » de lui-même. Ce qu’il regrette, c’est que l’affaire puisse ternir sa propre réputation, son « image de marque » personnelle. La victime dans toute cette histoire, c’est donc lui, Heinrich Harrer…

Les médias, au lieu du nazi Harrer, mettent au pilori la Chine

Cependant, il n’avait pas trop de raisons de s’inquiéter. Les médias occidentaux, après un petit moment de stupeur ou d’irritation, prirent à nouveau conscience de leur véritable tâche et ajustèrent leur tir pour le diriger vers… la Chine.

Ainsi, le 7 juillet 1997, le New York Times publia un commentaire sur l’affaire Harrer signé Karl E. Meyer qui commence ainsi : « Pleurez à nouveau le Tibet malchanceux. Tout à fait inopinément vient de tomber la nouvelle que Heinrich Harrer, l'auteur de "Sept ans au Tibet", était non seulement un nazi, mais aussi un sergent dans la SS d'Himmler. Puisque M. Harrer a été l'ami et le tuteur du jeune Dalaï Lama depuis 50 ans, ce secret longtemps gardé peut maintenant être utilisé à tort par la propagande chinoise pour discréditer les Tibétains en exil. »(9)

Très vite, on trouva des excuses pour Harrer. Ayant passé les années de guerre en captivité ou en fuite, il n’avait pas eu l’occasion de participer aux crimes de guerre nazis entre 1939 et 1945. Et puis, on n’avait qu’à suivre l’argumentation avancée par Jean-Jacques Annaud. Celui-ci, en réaction aux révélations du Stern, avait opéré en dernière minute quelques modifications au scénario pour redorer le blason de son « héros » et pour sortir son film de la ligne de mire.

Ainsi que l’expliqua Brad Pitt en personne dans une interview accordée à L’Express, le réalisateur « a fait ajouter une voix off dans le film pour accentuer le parallèle entre la barbarie des Chinois quand ils envahissent le Tibet et celle de l’Allemagne nazie, et éclairer ainsi les erreurs passées de Harrer. »(10) Et Brad Pitt d’estimer que, au fond, tout est bien qui finit bien, car en ce qui concerne les années que Harrer avait passées dans la SA, le parti nazi et la SS, « on peut se dire aussi que ce passé sombre donne une force, une résonance encore plus grande à sa métamorphose intime. »(11)

Même son de cloche de la part de Jean-Jacques Annaud, repris aussitôt par les médias. Le réalisateur déclara (après coup) avoir suspecté Harrer d’avoir eu « un lien possible avec les nazis quand il a quitté l'Autriche [sic !] en 1939 » (quelle perspicacité !), mais, n’est-ce pas, le héros nazi avait changé du tout au tout : « De retour au Tibet après la Seconde Guerre mondiale et après sept ans passés au Tibet, il a consacré sa vie à la non-violence, aux droits humains et à l'égalité raciale. Le film, 'Sept ans au Tibet', tourne autour de la culpabilité, du remords et de la rédemption. »(12)

En fait, le film tourne plutôt autour de la réécriture de l’Histoire (qu’on appelle dans ce cas le révisionnisme historique), autour de la glorification de l’ancien régime féodal et théocratique tibétain et autour de la diabolisation de la Chine. Et l’affirmation que Harrer avait fait amende honorable et laissé derrière lui son passé nazi est simplement un gros mensonge, démenti aussi bien par ses écrits que par ses activités ultérieures.

Racisme, pangermanisme et déni de la responsabilité allemande quant au déclenchement de la guerre

Le journaliste autrichien Gerald Lehner s’est intéressé de très près au personnage de Harrer, bien au-delà de la carrière de celui-ci au sein du « Troisième Reich ». Il souligne à bon escient que dans « les best-sellers de Harrer et dans son autobiographie, on ne trouve aucune trace de compassion pour les millions de personnes assassinées et les victimes de guerre qu’Hitler et ses complices ont sur la conscience. »(13)

Au contraire, dans son fameux Sieben Jahre in Tibet, paru en 1955 et édité en France sous le titre Sept ans d’aventures au Tibet, on trouve de nombreux indices qui montrent la persistance de ses sentiments nazis, de son idéologie « Grande-Allemande » et de son racisme.

Ainsi, Harrer, dès les premières pages de son récit où il raconte l’éruption de la Deuxième guerre mondiale, essaie d’occulter la responsabilité du « Troisième Reich » et préfère se mettre en scène comme une victime des événements : « Bien que l'Allemagne et le Commonwealth britannique n’aient pas encore été en guerre », ses camarades et lui furent rattrapés par « le sort » sous la forme d'une arrestation par les troupes britanniques. « Et deux jours plus tard, l'Angleterre déclara effectivement la guerre à l'Allemagne ! » L'invasion de la Pologne est passée sous silence, tout comme la destruction antérieure de l’État tchécoslovaque et l’annexion de l’Autriche. Pour l’auteur de Sept ans au Tibet, la question de la responsabilité de la guerre est tranchée : c’est l’Angleterre qui l’a déclarée.

Celui que nos tibétologues de l’INALCO et nos médias persistent à présenter comme un « alpiniste autrichien » (en dépit du fait qu’il a trahi son pays en militant pour l’ « Anschluss » au sein d’une organisation terroriste pangermanique) ne se présente jamais dans son livre comme Autrichien, mais comme Allemand : « Nous avons raconté que nous étions des réfugiés allemands et voulions demander l’hospitalité du Tibet neutre », écrit-il dans l’édition originale.(14)

Au milieu des années 1950, Harrer est aussi resté attaché aux idées racistes du national-socialisme. Ainsi raconte-t-il avoir traversé une région « très métissée en ce qui concerne les races », où les habitants n’étaient ni typiquement « tibétains, ni indiens ». Ou bien il rapporte que la « population est fortement mêlée » et que « les métis […] n’ont pas l’humeur joyeuse et le tempérament insouciant du Tibétain de pure race », ce qui fait qu’ils « sont mal vus tant des Népalais que des Tibétains de l’intérieur. »(15)

Contacts néo-nazis jusqu’à son dernier soupir

 

   
  Photo de gauche : Harrer en compagnie de l’éditeur néonazi Meier zu Hartum ;
photo de droite : le même Meier zu Hartum avec l’ex commandant de la SS Leibstandarte Adolf Hitler, Otto Kumm
(Source : https://de.indymedia.org/2008/05/217714.shtml )

 

L’ami personnel du dalaï-lama, mort en 2006, était en fait tellement purifié de son passé SS qu'il avait … « jusqu’à un âge très avancé entretenu des contacts avec de jeunes extrémistes de droite. » Ainsi, le site Internet du Zeitreisen-Verlag, une maison d’édition d’extrême-droite de Wattenscheid (une ville de Rhénanie-du-Nord-Westphalie intégrée à la ville de Bochum), publia une photo montrant Heinrich Harrer en compagnie de l'éditeur Marc Meier zu Hartum. Celui-ci était la tête du groupe néonazi Volkswille (« volonté du peuple ») et passa en avril 1995 « devant la sûreté de l'État de Dortmund pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Parmi les méfaits qui lui furent reprochés figurent des actes de violences, des dégâts et destructions de matériels, l’entraînement militaire illégal, la construction d’engins explosifs et des menaces de mort.(16)

 

Le logo de son édition Zeitreisen Verlag – qui affirme d’ailleurs avoir produit des dizaines de documentaires et avoir travaillé avec les chaînes de TV allemandes ZDF et SWR ainsi qu’avec la BBC – est une copie du « logo de la BDM Werk Glaube und Schönheit ( ‘Foi et Beauté’, l’école d’élite des BDM, les jeunesses hitlériennes féminines) ». La maison a édité des titres comme Wir Mädel (« Nous, les filles »), un témoignage de la dirigeante des BDM Jutta Rüdiger, Vom Anfang bis zum Ende (« Du début jusqu’à la fin ») écrit par le leader des Jeunesses hitlériennes Emil Klein ou encore Als Kommandant am Obersalzberg, une interview avec Bernhard Frank, le dernier commandant dans la résidence secondaire du Führer.(17)

En effet, Meier zu Hartum bénéficiait de toute évidence d’un « accès privilégié auprès d’anciens nazis et de témoins du Troisième Reich » tels que le commandant de brigade SS Otto Kumm, un des fondateurs et le premier chef de l’« Association d’entraide mutuelle des anciens membres des Waffen-SS » (HIAG) de sinistre mémoire, le SS Herbert Döhring,

 

   
  Le logo de l’Édition Zeitreisen Verlag et celui de « Foi et Beauté », l’école d’élite des jeunesses hitlériennes féminines

Le Sturmbannführer SS Otto Kumm, décoré de la Croix de Fer, à côté de Himmler lors d’une visite du camp de concentration de Mauthausen en 1941 (Source : Archives fédérales allemandes, image 192-299)
Le Sturmbannführer SS Otto Kumm, décoré de la Croix de Fer, à côté de Himmler lors d’une visite du camp de concentration de Mauthausen en 1941
(Source : Archives fédérales allemandes, image 192-299)

un autre ex-responsable du « nid d’aigles » d’Hitler à Berchtesgaden, de Ernst Günther Schenck (le médecin personnel du Führer) ou de Lida Baarova, la maîtresse du ministre de la propagande Josef Goebbels.

Ce même Marc Meier zu Hartum organisa des « pèlerinages à la Wewelsburg », haut lieu du nazisme et ex quartier général de la SS, indique la même source allemande sur Internet.

On ne sait pas si Harrer a participé à un de ces pèlerinages, puisqu’il n’existe aucune photo ni aucun témoignage qui pourraient l’attester. Peut-être le contact avec ce genre d’individu lui suffisait-il. Ce qu’on peut affirmer en tout cas, c’est qu’il a dû avoir envie de renifler (une dernière fois ?) l’odeur de la porcherie et du lisier politique qui lui fut si familière pendant les années de gloire de sa jeunesse.

Notes :

1) http://www.tibetdoc.org/index.php/histoire/20eme-siecle/457-retour-sur-la-question-des-relations-tibet-allemagne-nazie-1ere-partie-des-tibetologues-negationnistes

2) http://www.liberation.fr/tribune/2008/05/06/reponse-sur-les-liens-entre-le-dalai-lama-et-les-nazis_71041

3) Françoise Robin, Clichés tibétains : idées reçues sur le Toit du monde, p. 44 ; lire aussi http://www.tibetdoc.org/index.php/politique/geopolitique/279-une-reaction-a-l-ouvrage-cliches-tibetains-idees-recues-sur-le-toit-du-monde-de-francoise-robin-de-l-inalco

4) https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2006/01/10/heinrich-harrer-alpiniste-autrichien_729338_3382.html

5) https://www.telestar.fr/culture/sept-ans-au-tibet-cherie-25-qui-etait-vraiment-heinrich-harrer-l-alpiniste-autrichien-qui-inspira-le-film-photos-168901

6) https://www.nytimes.com/1997/06/21/movies/dalai-lama-s-tutor-portrayed-brad-pitt-wasn-t-just-roving-through-himalayas.html

7) Voir, par exemple, l’article de Libération sous https://next.liberation.fr/culture/1997/10/20/polemique-autour-du-heros-du-film-de-jean-jacques-annaud-un-nazi-au-tibet-heinrich-harrer-l-alpinist_217125

8) https://www.telestar.fr/culture/sept-ans-au-tibet-cherie-25-qui-etait-vraiment-heinrich-harrer-l-alpiniste-autrichien-qui-inspira-le-film-photos-168901 Notre mise en évidence

9) https://www.nytimes.com/1997/07/07/opinion/nazi-trespassers-in-tibet.html

10) Sidérant, cet incroyable parallèle entre la barbarie nazie qui a causé des dizaines de millions de morts, et « l’invasion du Tibet » par les soldats de l’Armée de libération chinoise que la grande amie du Tibet Alexandra David-Néel commenta par ces mots : « Pas un coup de feu n’a été tiré contre eux pendant leur marche à travers les campagnes et les bourgades tibétaines et, souvent, ils ont été accueillis avec joie. » Ah, le lavage de cerveaux, comme il peut être efficace !

11) https://www.lexpress.fr/culture/cinema/brad-pitt-dans-sept-ans-au-tibet_816446.html

12) https://www.nytimes.com/1997/06/21/movies/dalai-lama-s-tutor-portrayed-brad-pitt-wasn-t-just-roving-through-himalayas.html (notre traduction)

13) Gerald Lehner, Zwischen Hitler und Himalaya : Die Gedächtnislücken des Heinrich Harrer, Vienne, Éd. Czernin, 2007, p. 160

14) La traduction française (Sept ans d’aventures au Tibet, p. 43) a d’ailleurs pris soin d’escamoter aussi bien cette autodéfinition de Harrer que sa référence à la neutralité du Tibet pendant la Deuxième Guerre mondiale. On imagine pourquoi.

15) Heinrich Harrer, Sieben Jahre in Tibet, pp. 60 et 88 (Cf. Sept ans d’aventures au Tibet, p. 61)

16) http://www.trend.infopartisan.net/trd0508/t330508.html

(Notre traduction)

17) Voir sous https://de.indymedia.org/2008/05/217714.shtml