Le double discours du dalaï-lama
par Jean-Paul Desimpelaere, le 13 mai 2011
En 2009, 120 dissidents Chinois se sont réunis autour du dalaï-lama dans un hôtel de luxe à New York. Il ne s'agissait pas d'une initiation au bouddhisme tibétain, mais pour le saint homme, c'était une occasion d'exprimer sa solidarité avec les dissidents chinois et de leur marquer son soutien quant à leurs aspirations de voir disparaître le Parti Communiste Chinois (PCC). « Le PCC a gouverné pendant suffisamment longtemps », a décrété le dalaï-lama, « le temps est venu pour lui de trouver la porte de sortie » (1). Il plaide donc en faveur d’un changement de régime radical en Chine, déclaration que peu de cléricaux se permettrait de faire.
Ces dernières années, le dalaï-lama revient régulièrement sur ce thème de changement de régime politique en Chine. Dans une interview du 17 janvier 2007 au « Nouvel Observateur », il disait déjà : « L’actuel régime chinois est radicalement matérialiste et communiste, ce qui est ridicule. » En août 2008, en pleine période de jeux Olympiques à Beijing, le même thème est revenu pendant son allocution au Sénat français : « Maintenant que la Chine s’intègre au marché international, elle ferait mieux d’embrasser les idéaux de la démocratie. (…) La communauté internationale n’a aucune raison de se laisser harceler par le système communiste chinois. Ici en Occident, il existe des libertés fondamentales. C’est pour cela qu’il est important que vous souteniez les populations qui ne jouissent pas encore de ces libertés. » Des dizaines d’autres exemples dans ses articles et interviews vont dans le même sens.
Mais essayons de suivre ce scénario :
-fin janvier 2010, le dalaï-lama envoie deux de ses représentants à Beijing pour renégocier le statut du Tibet avec le Parti Communiste Chinois (PCC)
-le 18 février 2010, il est reçu par Obama
-Deux jours plus tard, il reçoit une médaille « Democracy Service Medal » de la part du « National Endowment for Democracy » (NED), cousin de la CIA. C'est durant cette cérémonie qu'il déclare : « le Parti Communiste Chinois ferait mieux de prendre sa retraite » (AFP).
Il y a ici trois constatations à faire :
-Il dit vouloir négocier avec une institution (PCC) qu'il rejette
-Il provoque ses partenaires chinois en affichant qu’il reçoit le soutien des États-Unis
-Avec Obama, il ne parle pas du Tibet, mais d’un changement de régime à Beijing
Zhu Weigun, vice-président de la « section du Front Uni » du Parti Communiste Chinois, répond aux provocations du dalaï-lama en allant dans le même sens. Lors d’une interview avec le magazine allemand « Focus », le 22 septembre 2010, Zhu déclare : « Si le dalaï-lama arrête sa croisade internationale contre la Chine, nous pourrons négocier son retour. Ses visites auprès des dirigeants d'autres pays ne font que perturber les relations de ces pays avec la Chine.
Les interventions du dalaï-lama sont politiques et non religieuses. Le 2 août dernier, il a encore répété au « Deutsche Welle » que « le Parti Communiste Chinois ferait mieux de prendre sa retraite », cela ne ressemble pas à un discours religieux. Comment peut-on concilier ceci : il veut négocier avec nous, mais en même temps, il veut que nous prenions notre retraite. Négocier n’est pas juste un show. Selon moi, de telles positions lui sont dictées par son entourage direct, les pouvoirs étrangers et les sponsors inclus.
Un certain pays, que je ne veux pas nommer ici, lui a versé cette année 16,75 millions de dollars en guise de soutien. Ce soutien financier a depuis longtemps entraîné le dalaï-lama dans un piège. Il s'est laissé soudoyer. »
Le pays que Zhu « ne veut pas nommer » est bien connu. En effet, pour 2010, le Congrès américain a prévu de verser une allocation d'environ 15 millions pour soutenir les organisations dalaïstes (2). Ce sont des aides d’état publiques, auxquelles s’ajoutent les sommes versées par nombre d’ ONG semi-officielles et de « Fondations ». Quant à la commission européenne, elle octroie annuellement 1 million d’euros aux organisations pro-dalaï(3).
On comprend dès lors l'agacement que peuvent ressentir les autorités chinoises devant les doubles discours du dalaï-lama.
Notes :
(1) Asia Times Online 21/5/09 et Voice of America 30/4/09
(2) Site web ‘international Campaign for Tibet’, ‘Tibet appropriations’, FY 2010
(3) Résolution Tibet du parlement Européen, 25/11/2010