Boycott diplomatique des JO d'hiver de Pékin
par Elisabeth Martens, le 4 février
Alors que les JO d'hiver s'ouvrent aujourd’hui dans le Nid d'oiseau au nord de Pékin, plusieurs pays ont annoncé un boycott diplomatique des JO d'hiver de Pékin 2022. Les États-Unis, l'Australie, le Canada et l'Angleterre se sont abstenus d'envoyer des responsables officiels. Ils prétendent dénoncer ainsi des atteintes aux droits de l'Homme en Chine, mais n'est-ce pas plutôt une nouvelle provocation de la part des pays « libres » visant à accélérer la guerre froide ?
Suivant l'exemple des États-Unis et de l'Australie, le Royaume-Uni et le Canada, ont annoncé un boycott diplomatique des Jeux olympiques d'hiver de Pékin pour protester contre le « génocide et les crimes contre l’humanité en cours au Xinjiang et au Tibet ».
« Le recours des États-Unis, de l'Australie, du Royaume-Uni et du Canada à la scène des Jeux olympiques à des fins de manipulation politique est impopulaire et revient à s'isoler soi-même. Ils paieront inévitablement le prix de ce mauvais coup », a déclaré le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Wenbin. « Le sport n'a rien à voir avec la politique. Les Jeux olympiques sont un grand rassemblement d'athlètes et d'amoureux des sports, pas une scène pour que les politiciens se donnent en spectacle », a-t-il ajouté. 1
Ce bras de fer que Washington engage avec la Chine n'a rien de nouveau. La « question tibétaine » en est arrivée à son « troisième âge » avec ses bientôt 65 ans d'âge. Mais le Tibet n'intéresse plus grand monde depuis que le secrétaire de la Cour européenne des Droits de l’homme (CEDH) a annoncé en janvier 2021 « le rejet des poursuites dans l’affaire du Tibet »2. Selon l'association France-Tibet, alias « Tibet libre », « la cour européenne des droits de l'homme a enterré la justice universelle pour le Tibet ».
Il semble que la « question tibétaine » soit une affaire classée, et pour cause: il a été prouvé, démontré, confirmé que le « génocide ethnique et culturel » n'a jamais eu lieu au Tibet3. En 2020, le PIB du Tibet avait le vent en poupe (7,8% par temps de covid-19!)23, ce qui met à mal les accusations de génocides ethnique et culturel contre le gouvernement chinois.
Ce fut un coup dans l'eau pour les États-Unis qui y avaient pourtant mis toute la sauce pour qu'on accuse la Chine de génocide: la logistique, la propagande, le financement, la création du réseau International Campaign for Tibet (ICT) le tout mis en œuvre par la NED4 à coup de millions de dollars.
Étonnamment, à l'instar de l'ICT, la Uyghur American Association (UAA), bénéficie elle aussi de l'aide financière du NED. Nury Turkel, ancien président de l'UAA le proclame ouvertement : « Le National Endowment for Democracy a apporté un soutien exceptionnel à l'UAA en nous fournissant des conseils et une assistance inestimables » ainsi qu'un « financement essentiel ».5 La UAA et le congrès national du Turkestan oriental (East Turkestan National Congress, ETNC) sont des groupes d'exilés ouïghours qui se sont rassemblés pour fonder le World Uyghur Congress (WUC) en 2004. Le WUC prétend être engagé dans une lutte « pacifique, non-violente et démocratique » pour libérer le « Turkestan » (le Xinjiang) des « envahisseurs chinois ».15 C'est exactement le même discours que celui tenu par l'ICT pour le Tibet depuis plus de 60 ans.
Et comme pour l'ITC, le financement du NED est injecté dans une vaste campagne médiatique organisée par des organisations comme Campaign for Uyghurs et Uyghur Human Rights Project. D'ailleurs le Dalaï-lama et Rebiya Kadeer (leader du WUC) sont devenus de grands amis.
A défaut du Tibet qui a été mis au rencart, il a fallu trouver un nouveau cheval de bataille. Le Xinjiang a fait l'affaire, il a tous les ingrédients nécessaires : les Ouïghours sont une minorité ethnique, la plupart sont musulmans, ils parlent une langue turque, écrite en arabe, la Région autonome du Xinjiang (créée en 1955) est la plus grande unité administrative de la Chine, elle couvre près d’un sixième du pays, elle est frontalière avec huit pays, son sous-sol est riche en ressources minières (or, pétrole, uranium, gaz).
Il a suffi à la « presse libre » de faire l'impasse sur les attentats terroristes perpértrés en Chine, la présence d'Ouïghours au sein d'Al-Qaida, la connivence de l'ETIM avec les États-Unis et avec l'extrême droite turque.6 Et le tour était joué. A présent, tout le monde est persuadé qu'un génocide ethnique et culturel a lieu au Xinjiang.
Si le gouvernement chinois a opté pour une hyper-sécurisation du Xinjiang, ce n'est pas uniquement pour prévenir de nouveaux attentats terroristes, c'est aussi parce que la région se trouve sur le trajet de la « Belt and Road Initiative » (BRI). Le Xinjiang constitue un nœud important sur la Nouvelle Route de la Soie. A la mise en route de ce gigantesque projet lancé par Xi Jinping en 2013, s'est ajouté le tout récent « Partenariat régional économique global » (RCEP). En tout, ce sont 143 pays, plus des deux tiers des pays dans le monde, qui ont signé des accords bilatéraux avec la Chine en 2020.
Aux États-Unis, ce fut la panique. En février 2021, Joe Biden a passé deux heures au téléphone avec Xi Jinping. En raccrochant, il a conclu: « Si on ne fait rien, ils vont nous écraser ». Il y a exactement un an de cela. Depuis lors, le China bashing bat son plein. Le boycott des JO d'hiver est une petite piqûre de rappel.
Notes :
3 Voir le recensement d''André Lacroix dans "DharamSalades, les masques tombent", éd. Amalthée, 2019
4 National Endowment for Democracy, cousine germaine de la CIA