Visites de populations tibétaines au Qinghai

par Bruno Drweski, le 13 octobre 2023

J’ai été invité en Chine du 5 au 17 septembre 2023 dans le cadre d’une délégation d’Europe occidentale reçue par le département international du Comité central du Parti communiste chinois (ID CPC) et organisée par la section « Europe occidentale » de ce département. Cette délégation était intégrée dans un ensemble plus vaste de délégations venues d’autres parties du monde, toutes invitées à participer à la rencontre « Réalisations du Qinghai dans la pratique de la pensée du Xi Jinping sur le socialisme aux caractéristiques chinoises pour la nouvelle ère de l’humanité ».

http://french.china.org.cn/china/txt/2023-09/08/content_113706880.htm
http://french.china.org.cn/china/txt/2023-09/08/content_113706880.htm

 

Nous avons été reçus par le département international du PCC à Beijing qui a organisé pour nous des rencontres et discussions, puis nous avons été reçus à Xining, capitale de la province du Qinghai, et dans sa région pour participer à cette rencontre internationale, effectuer plusieurs visites et participer à plusieurs rencontres. Ce sont celles-ci que je relate ci-dessous (texte relu et complété par les apports des autres membres de la délégation française à partir de leurs propres notes).

 

Visite du parc écologique Kanbula, du parc écologique Nan Zong et du réservoir Lijiaxia dans la préfecture autonome tibétaine de la province du Qinghai

Ce parc écologique a été créé dans une région de haute montagne très spectaculaire. Le touriste ne peut s’aventurer n’importe où dans le parc mais marche sur un large ponton de quelques kilomètres en bois placé à un mètre environ au-dessus du sol ce qui lui permet de passer par tous les endroits intéressant du parc sans interférer avec la faune et la flore locales. C’est un endroit vénéré par les Tibétains et une de ses montagnes est ornée d’une gigantesque statue de Bouddha où les croyants viennent se prosterner.

Parc national de Kanbula au Qinghai (photo de www.china-roads.fr)
Parc national de Kanbula au Qinghai (photo de www.china-roads.fr)

A la fin de la visite, les délégations ont eu droit à un repas dans une immense tente construite près du parking de sortie. Des artistes des différents groupes ethniques habitant la province ont exécuté des chants et des danses, ce qui a poussé les Pakistanais présents et très réactifs à ces incantations himalayennes et comparables aussi aux incantations islamiques (le Pakistan est à la fois himalayen et islamique) à se joindre aux danseurs et à exécuter avec eux des danses pakistanaises, créant ainsi une ambiance d’amitié qui a poussé les Fidjiens présents à rejoindre la piste de danse et finalement tout s’est terminé dans une immense danse improvisée sino-tibéto-pakistano-fidjo-européenne aux sons d’un orchestre tibétain donnant le « la » ...Une ambiance extraordinaire de fraternité et d’amitié spontanée entre les peuples.

Ce qui est d’autant plus notable que les Pakistanais qui ont joué un rôle moteur dans cette « déformalisation » de l’événement représentaient des partis différents allant de partis laïcs socialisant à la Ligue musulmane et que tout le monde, y compris un mollah, s’est retrouvé à danser dans une danse plurinationale et mixte. Le mollah en particulier, le jour précédent, m’avait été signalé par un des Pakistanais comme un homme rigide refusant la danse, la musique, la mixité et tout ce qui rend sur terre la vie agréable. Cette fois-ci, ses compatriotes ont réussi à le pousser vers la piste de danse ...en l’entourant toutefois un peu pour qu’il ne touche pas par inadvertance une femme en train de danser.

Délicatesse réussie et remarquable de leur part qui augure de la possibilité d’un monde meilleur, là où certains s’y attendraient le moins. D’une façon générale, j’ai été impressionné par la grande politesse, la grande délicatesse et la grande capacité des Chinois à créer, par petites touches, des liens entre personnes venues d’horizons très différents, ce qui m’a poussé à croire qu’ils souhaitent réellement un monde de paix, de coopération et de relations humaines et commerciales stabilisées, confiantes et mutuellement avantageuses.

 

Visite du village de Deji

Ce village modèle a été bâti pour des anciens nomades tibétains qui ont accepté de se sédentariser. Le village fait un peu carte postale avec tous les bâtiments, objets et monuments censés montrer la sollicitude des autorités envers la culture tibétaine. Nous avons donc eu droit à la visite de la très belle salle d’exposition de la culture locale, d’une danse traditionnelle « spontanée » au bord de l’eau, de stands où l’on pouvait acheter tous les produits de l’artisanat local et d’une visite dans une maison d’hôtes modèle où l’on nous a fait déguster le beurre tibétain mélangé à des herbes et quelque chose qui m’a semblé être une sorte d’orge local.

Village de Deji au Qinghai (photo de
Village de Deji au Qinghai (photo de "About China"- Facebook)

Le village est en principe tibétain mais j’y ai croisé quelques femmes houeï en foulard islamique et nous avons pu échanger par l’intermédiaire de notre interprète avec deux délicieuses petites filles tibétaines rencontrées au bord du trottoir et qui nous dévisageaient avec intérêt. Elles devaient avoir six ou sept ans et pouvaient nous parler en chinois, qu’elles apprenaient à l’école. Elles nous prenaient pour des Américains, le seul pays « blanc » dont elles avaient connaissance, le mot France ne leur disant rien.

 

Visite de l’Institut d’art bouddhique tibétain de Tongen

Nous sommes ensuite arrivés dans la ville de Tongen, capitale d’une préfecture autonome tibétaine où nous avons visité un institut d’exposition d’art bouddhique et de peinture Thangka. Nous avons été accueillis par le fondateur et directeur de cet institut, accompagné de deux cadres portant un badge rouge avec la faucille et le marteau. Ce directeur a visité plusieurs pays du monde et y a organisé des expositions du travail de ses élèves. Impressionnant de voir ces élèves peindre, détail ultra-minutieux après détail ultra-minutieux, chaque élément de ce tableau sacré qui prendra quelques mois voire plus avant d’être réalisé.

J’avais au départ l’impression qu’il s’agissait d’un travail à but lucratif pour riches touristes ou pour lieux de cultes en demande, mais sans grande consistance mystique. Mais notre interprète chinoise nous a expliqué qu’un tel travail était impossible à exécuter sans une foi profonde, non seulement parce que le souci du détail rendrait n’importe quel « mécréant » impatient et incapable de poursuivre l’œuvre jusqu’au bout mais parce que chaque artiste, qui a passé des années à apprendre ce travail, doit donner sa propre interprétation du verset sacré qu’il a choisi de décrire par sa peinture, ce qui nécessite une très bonne connaissance de la croyance et une conviction intime devant transparaître dans l’œuvre et être convaincante pour les croyants, en particulier pour les maîtres du bouddhisme lamaïque avec lesquels on ne peut pas tricher.

Cette explication m’a paru crédible, même si j’ai à cette occasion pu ressentir à quel point le mysticisme tibétain, et sans doute plus largement asiatique est très éloigné du mysticisme de nos monastères chrétiens.

Photo:https://chine.in/guide/peinture-tibetaine_3995.html
Photo:https://chine.in/guide/peinture-tibetaine_3995.html