« Religious Freedom in Tibet, 2006 », un document du gouvernement américain à relire
par Jean-Paul Desimpelaere, le 25 décembre 2009
A relire: un document du gouvernement américain (US Department of State) rendu public le 15/09/06, à trouver sur http://beijing.usembassy.gov Il s'agit d'un rapport détaillé répertoriant tous les moines et religieuses qui furent pris à partie par les autorités de la R.A.T., victimes de violences et/ou enfermés. Les Américains y accusent la Chine de limiter la liberté religieuse au Tibet et citent des exemples « de sympathisants du 14ème dalaï-lama qui sont chassés des monastères ».
Quant au gouvernement chinois, il parle de refréner les séparatistes. La Chine a un point de vue clair : « le 14ème dalaï-lama n’est bienvenu que s'il accepte l’unité nationale. Tant qu’il fomente l’agitation politique et qu'il se fait soutenir par des forces extérieures, il ne s'en tient pas à son rôle de guide religieux. Il doit alors être considéré comme un séparatiste dangereux ». C'est pourquoi la Chine interdit les rites et les fêtes entourant sa personne au Tibet, comme le rituel en l’honneur de sa naissance. Les USA estiment que cela devrait être permis. La question quant à la légitimité de leur implication dans cette discorde peut évidemment se poser. Nous la laisserons pour l’heure de côté.
Le rapport établit que « le personnel diplomatique des USA en Chine entretient des contacts avec un grand éventail de chefs religieux et pratiquants dans les territoires tibétains, y voyageant régulièrement pour aller mesurer le degré de liberté religieuse ». Le personnel diplomatique américain a, en effet, reçu une formation de détectives de renommée mondiale !
Ci-dessous, en italique, quelques exemples de ce que les États-Unis considèrent comme « atteinte à la liberté religieuse ». Ci et là, un petit commentaire de ma part.
« Beaucoup de cadres administratifs gouvernementaux et appartenant au parti communiste sont des bouddhistes pratiquants. Pourtant, ils reçoivent de temps en temps des leçons d’athéisme ». Devrait-on interdire l’athéisme ?
« Les moines et les religieuses des monastères doivent participer jusqu’à quatre sessions d’éducation politiquepar an ».
« Il y a 1700 temples ou monastères au Tibet même, et 1535 dans les territoires autonomes tibétains dans d’autres provinces, avec 106.000 moines ou religieuses au total ». D'après ce chiffre, cela ferait 2% de la population tibétaine qui se trouve dans les monastères, c’est beaucoup et comparable au bouddhisme en Thaïlande. Les réseaux de soutien au 14ème dalaï-lama n'en comptent pas autant. Dans l’ancien Tibet féodal (il y a 50 ans), le chiffre était encore plus impressionnant ; à cette époque, on retrouvait un homme sur cinq au monastère (mais il y avait peu de nonnes). D'après une étude de Goldstein, en 1959, au Tibet même, il y avait environ 2.500 monastères qui abritaient 115.000 moines.
« Les communautés religieuses locales doivent se faire enregistrer et demander un permis de bâtir pour construire de nouveaux temples ». Cela, je dois le faire également chez moi.
« Le gouvernement freine la croissance des monastères et limite le nombre des activités religieuses.../... Un numerus clausus est imposé aux grands monastères en R.A.T. »
« Il est interdit à un monastère d’accepter comme moines des enfants de moins de 18 ans …/... Certains monastères détournent cette loi et acceptent quand même ces enfants, mais sans les enregistrer avant leurs 18 ans ». Et quoi ?... les droits de l’enfant ne valent pas pour les bouddhistes ?
« Les moines et religieuses ont difficile à obtenir un passeport pour pouvoir voyager à l’étranger », bien que le rapport admette aussi que « en 2006, beaucoup de Tibétains ont eu la possibilité de voyager vers l’Inde pour participer à un rituel du Kalachakra donné par le 14ème dalaï-lama, mais ils furent tenus à l’œil à leur retour ».
« Lors du rituel Kalachakra en Inde, le 14ème dalaï-lama incita les gens à protéger les animaux sauvages et à ne plus porter les traditionnelles peaux de tigres et de panthères comme sur-vêtements. A leur retour au Sichuan, certains Tibétains ont appliqué ce conseil à la lettre en rassemblant les habits en peaux et en les brûlant. Ceci fut interdit par l’autorité chinoise ». Mais quoi alors ? Ce n’est jamais bien…
« Posséder et accrocher une photo du 14ème dalaï-lama n’est pas punissable au Tibet, mais les gens n’osent pas le faire par peur d’être étiqueté comme séparatiste ». C’est vrai, mais la popularité du 14ème dalaï-lama y est en forte baisse à cause de son séparatisme justement. Les Tibétains de la R.A.T. Ont compris que le développement de la région passe par la Chine et non par le dalaï-lama.
Le rapport poursuit en donnant une série de noms de moines et de religieuses pourchassés. Pour la moitié d'entre eux, les sources citées ne sont pas neutres, elles proviennent du réseau international tissé autour du 14ème dalaï-lama : Radio Free Asia, Tibet Information Network, World Tibet Network, Free Tibet Campaign, Tibetan Center for Human Rights, Human Rights Watch. Il est à noter qu’Amnesty International puisent dans ces mêmes sources quand il défend des « prisonniers politiques » tibétains.
Les prisonniers qualifiés de « politiques » par les États-Unis sont souvent des prisonniers présentant des idées compatibles avec la politique américaine, sans prendre en compte le fait que ces prisonniers aient ou non respecté les lois du pays où ils agissent. La propagande ouverte pour le séparatisme est interdite en R.A.T., comme partout ailleurs en Chine, elle est sanctionnée par des peines de prison. Nous n’avons pas à nous mêler de cela et nous n'avons pas non plus à qualifier les prisonniers de « politiques ».
Au Tibet, une petite centaine de prisonniers sont condamnés pour « séparatisme », avec ou sans violence, cela représente un prisonnier sur vingt, ce qui est en réalité assez peu. Or si on en croit certaines informations venant des réseaux de soutien du 14ème dalaï-lama, on pourrait avoir l’impression qu’au moins la moitié des moines sont en cellule (et pas en cellule monastique !)
En 2006, une commission du Congrès américain (Congressional Executive Comission on China Political Prisoner Database, CECC PPD) dénombrait 96 prisonniers politiques au Tibet, parmi lesquels 71 religieux. Cette fois, Amnesty en comptait un peu plus : 143. Parmi eux, il y avait quelques poseurs de bombes (voulaient-ils donner un peu plus d'élan à l’épanouissement spirituel?) et des casseurs participant à quelques manifestations.
Le nombre total de détenus au Tibet est plus bas qu’en Belgique, sans parler de ce qui se passe aux USA (toute proportion gardée, bien entendu). Les USA font pourtant pression sur les autorités chinoises pour pouvoir rendre visite à chacun des « prisonniers politiques ». Imaginez qu’ils demandent à la Belgique de rendre visite à l’un ou l’autre séparatiste flamand qui aurait été mêlé à des escarmouches et envoyé en taule... c'est lui assurer une voie royale vers la célébrité !