L’étrange cercle d’amis du 14ème dalaï-lama

par Jean-Paul Desimpelaere, le 24 avril 2012

Le 13 septembre 1994, à l’approche de ses 60 ans, le 14ème dalaï-lama a invité quelques personnes à Londres pour un lunch. Il s'agissait de personnes qui avaient été au Tibet avant l’arrivée du régime communiste, donc avant les années 1950 (une photo du petit groupe existe sur plusieurs sites web, dont celui du DL).

 

Un des invités était Heinrich Harrer, célèbre alpiniste autrichien et nazi confirmé (SA) à partir de 1933, bien avant « l’Anschluss » de l’Autriche par l’Allemagne (1938).  Une expédition d'alpinistes dans l’Himalaya organisée par l’Allemagne nazie l’amena en Inde en 1939. Il fut capturé par les Anglais, mais réussit à s’évader en 1944. Il se rendit alors à Lhassa où il devint le tuteur privé du jeune 14ème dalaï-lama.


Ce dernier a maintenu une amitié de longue durée avec son « prof du secondaire » et garde une grande reconnaissance envers celui qui l’a initié au monde. Il l’a revu bien souvent.
Harrer a également été un des hommes de liaison des États-Unis chargé d'organiser le départ du 14ème dalaï-lama en 1959  (1).


Harrer n’a jamais montré de regrets pour son passé nazi, en témoignent ses interviews repris par Lehner (2). Reinhold Messner, le premier alpiniste a avoir atteint le sommet de toutes les montagnes au-delà de 8000m, a même critiqué Harrer à la télévision pour le fait qu’il continuait à répandre l’idéologie nazie dans le milieu des alpinistes en Autriche et en Allemagne.

 
Peu avant sa mort, Harrer s’est allié à Jorg Haider (de la droite autrichienne) et au 14ème dalaï-lama pour édifier un grand centre tibétain (de 1000 lits) en Carinthie (3). Le projet n’a pas vu le jour, car certains investisseurs se sont retirés en dernière minute.


Un autre « invité de marque » du Dalaï-lama lama au lunch de 1994 était Bruno Beger, un nazi plus dérangeant que Harrer. Condamné en 1970 pour assassinat « à but scientifique » (étude comparative des crânes) de 86 personnes dans le camp de Auschwitz, il n'a finalement jamais été interné. Lui non plus ne regrette rien : « j'’étais un fanatique des sciences », confie-t-il à la radio autrichienne. Fin des années 1930, Beger était allé au Tibet avec le zoologue SS Ernst Schäfer pour y mesurer des crânes, dans le cadre d’une recherche ‘ethnologique’ subsidiée par… Himmler. C'est ainsi qu'il est aussi devenu un proche du 14ème dalaï-lama.


Mais l’étrange cercle d’amis du 14ème dalaï-lama ne s’arrête pas là.


Dans le désordre, on trouve :


Carl Gershman, ex-directeur de la NED (New Endorsement for Democracy, USA, cousine germaine de la CIA et sponsor du DL) : il a reçu une médaille ‘Lumière et Vérité’ du DL en 2005
Miguel Serrano, ouvertement nazi au Chili : il rencontre le DL à plusieurs reprises, entre autres, pour l'accueillir à l’aéroport de Santiago en 1992 (photos sur le net)


Shoku Asahara, guru japonais (auteur de l'attentat au gaz dans le métro de Tokyo) : il a également rencontré le DL plusieurs fois. Ce dernier lui a rédigé des lettres de recommandation destinées au gouvernement japonais en vue de débloquer des subsides pour la secte. En retour, Shoku Asahara a fait un don important à Dharamsala

 
Pinochet : le DL a pris sa défense contre le jugement d’un tribunal international.


G.W. Bush : lors de la réception de sa médaille d’or par le Congrès américain, le DL a appelé G.W. Bush son « grand ami qui a fait beaucoup de choses pour la démocratie et les droits de l’homme », etc.

Notes
(1) Goldstein, « A History of Tibet », tome 2, p. 773-798
(2) Sa carte d’adhésion à la SA est publiée en photo dans le livre de Gerald Lehner, « Zwischen Hitler und Himalaya, Die Gedächtnislücken des Heinrich Harrer », Czernin Verlags, Wien, 2007. Harrer a participé aux épurations anti-syndicales, anticommunistes et déjà anti-juives de la fin des années 1930.
(3) DPA, agence de presse allemande, 14/05/2006