Voyage au pays des Zhuang, la plus grande minorité ethnique de Chine
par Albert Ettinger, le 27 décembre 2023
En Occident, tout le monde a entendu parler des Tibétains et des Ouïghours. Pour des raisons de géopolitique, la propagande antichinoise s’est focalisée sur ces deux minorités ethniques chinoises. Pourtant, avec leurs plus ou moins respectivement sept et douze millions, elles ne constituent nullement les « minorités nationales » les plus nombreuses de ce pays multiethnique qui en reconnaît officiellement 55.
C’est le peuple zhuang qui est la plus grande minorité ethnique en République populaire de Chine. Sa population de plus de 16 millions est comparable à celle des Pays-Bas ou du Cambodge ; elle dépasse ainsi largement le nombre des habitants de la Belgique, de la Grèce, du Portugal ou de la Suède.
Une multitude d’ethnies
La plupart des Zhuang vivent dans les régions montagneuses de la Région autonome zhuang du Guangxi, dans le sud de la Chine, l’une des cinq régions autonomes de la Chine. La région autonome a été créée en 1958 dans le but de répondre aux aspirations locales.
Elle a pour particularité de compter de nombreuses ethnies. À côté des Zhuang et des Han, il y a les Yao, les Miao, les Dong, les Mulao, les Maonan, les Hui, les Jing, les Yi, les Shui et les Gelao. Les minorités ethniques représentent environ 38 % des 57 millions de personnes vivant dans le Guangxi. L’ethnie Zhuang, qui a donné son nom à la région, est la plus importante (32 %) d’entre elles.
La capitale de la région s’appelle Nanning. Il s’agit d’une grande ville verdoyante de plus de 8 millions d’habitants. Lauréate du prix mondial de l’habitat, elle est aussi appelée la « ville verte ». Elle est le siège permanent du Sommet Chine-ASEAN (ANASE).
La région jouit d'un climat doux avec une température annuelle moyenne d’environ 20 degrés Celsius. L’hibiscus (Rose de Chine) et le bougainvillier sont des fleurs typiques du Guangxi. La végétation luxuriante est toujours verte et fleurit en toute saison. Nous avons pu l’admirer à Nanning, dans le grand espace naturel de la montagne Qingxiu qui couvre une superficie de 4,07 km² et qui dispose, en plus d’une collection impressionnante d’orchidées exotiques, d’immenses Cycas vieux d’un millier d’années.
Les pluies abondantes favorisent les cultures tropicales et subtropicales telles que le riz, l'igname, le maïs, la canne à sucre, la banane, le longan, le litchi, l'ananas, le pomelo chinois et la mangue.
Les maisons traditionnelles des Zhuang sont des bâtiments à étages avec des balustrades. Le rez-de-chaussée était réservé aux animaux, tandis que les gens vivaient à l’étage.
Leurs techniques de culture du riz sont considérées comme des trésors nationaux.
Les montagnes du sud-ouest et du nord-ouest du Guangxi regorgent de sapins de Liuzhou, de sapins argentés et de camphriers, rares ailleurs. Les ressources minérales comprennent le fer, le charbon, le wolfram, l'or, le cuivre, l'étain, le manganèse, l'aluminium, l’antimoine, le zinc et le pétrole.
Les rivières qui abondent dotent la région d'abondantes sources d'eau pour l'irrigation, la navigation et l'énergie hydroélectrique. Le littoral du sud du Guangxi possède non seulement d'importants ports, mais produit également de nombreux produits marins de grande valeur, notamment les meilleures perles de Chine.
Langue et écriture
La minorité nationale Zhuang possède sa propre langue et ses propres caractères. Le zhuang fait partie des langues dai qui appartiennent à la grande famille des langues sino-tibétaines.
Les anciens caractères de la langue zhuang (sawndip), créés sur la base de l’écriture han, sont apparus sous la dynastie des Song du Sud (1127-1279). Ils étaient principalement utilisés pour enregistrer des noms de lieux ou des chants de montagne, mais n'ont jamais été officialisés et standardisés. Les Zhuang ont donc écrit en caractères han jusqu'en 1955, date à laquelle le parti et le gouvernement les ont aidés à standardiser leur langue et à créer un système d'écriture basé sur l'alphabet latin.
Aujourd'hui, pour des raisons pratiques, le zhuang standard s’écrit en pinyin, c’est-à-dire au moyen de l'écriture romanisée qui sert aussi à transcrire le mandarin. On l’emploie pour les livres (la littérature politique et la prose), les magazines et les journaux en langue zhuang.
Le zhuang est l'une des langues officielles de la Chine qui apparaît sur les billets de banque (comme d’ailleurs le tibétain et la langue ouïghoure); toutes les lois chinoises doivent être publiées dans cette langue, et elle est utilisée pour les panneaux bilingues. Dans des domaines moins formels, les chansons folkloriques, par exemple, on trouve toujours le système d'écriture traditionnel sawndip.
La culture et l'art
La culture et l'art des Zhuang sont riches et colorés et remarquables par leurs caractéristiques spécifiques. Légendes, contes de fées, histoires et ballades constituent la littérature populaire des Zhuang. Citons encore les opéras zhuang, la musique, la danse, et surtout les nombreuses chansons folkloriques. Presque tous les Zhuang savent chanter. De nombreux endroits organisent régulièrement des festivals de chants de montagne.
Le tambour de bronze est un objet typique fabriqué et utilisé par les Zhuang et d’autres ethnies minoritaires du centre, du sud et du sud-ouest de la Chine. Il remonte à plus de deux millénaires. À lui seul, le Guangxi a mis au jour plus de 500 tambours de ce type, de conception et de taille différentes. Le dessus et les côtés des tambours sont décorés de motifs en relief. L’un des motifs les plus répandus est celui de la grenouille.
Le brocart zhuang a vu le jour sous la dynastie Tang (618-907). Tissé selon de magnifiques motifs avec une chaîne en coton naturel et une trame en velours teint, le brocart est excellent pour la confection de couvertures de couettes, de nappes, de tabliers etc. Devenu célèbre à l'échelle nationale sous les dynasties Ming et Qing (1368-1911), il a été constamment amélioré et au moins 40 nouveaux motifs ont été mis au point au cours des dernières décennies.
Une tradition révolutionnaire
Avec le Guangdong voisin, le Guangxi est devenu, au début du XXe siècle, la base de la révolution nationaliste menée par Sun Yat-sen. Après l'accession au pouvoir de Chiang Kai-shek (Jiang Jieshi) en 1927, les dirigeants du Guangxi se sont opposés à Chiang, ont maintenu une attitude de défi à l'égard du gouvernement central et ont beaucoup contribué à la modernisation du Guangxi. Bien que Chiang ait écrasé leur révolte en 1929, il n'a pas pu mettre fin au statut semi-indépendant de la région.
Les Zhuang, pour leur part, ont formé une série de soviets révolutionnaires entre 1927 et 1931.
Développement, revitalisation rurale et lutte contre la pauvreté
La douzaine de groupes ethniques qui vivent ensemble au Guangxi sont unis par leur esprit patriotique et leurs valeurs socialistes communes. C’est pourquoi la région a été désignée par le président Xi Jinping comme un modèle pour l’intégration et la solidarité entre les ethnies au sein de la communauté de la nation chinoise.
Un dirigeant local nous a indiqué qu’aujourd’hui, 85,68 % des habitants du Guangxi parlent mandarin. 48% des cadres de la région sont issus des minorités nationales. La région compte 1,63 million de ménages « mélangés », et les autorités encouragent les mariages inter-ethniques.
Depuis 2012, la région a fait des efforts considérables pour lutter contre la pauvreté et le sous-développement. 6,34 millions de personnes dans environ 5 000 villages ont ainsi été sortis de la pauvreté. Parmi eux, plus de 10 000 familles extrèmement pauvres ont été enregistrées et aidées prioritairement. La riche province voisine du Guangdong a été impliquée dans cette aide qui a mobilisé plus de 500 000 cadres. Un nouveau plan d’action sur trois ans, destiné à la revitalisation rurale, a pour objectif d’empêcher le résurgence de la pauvreté par un mécanisme de surveillance et par le développement d’industries régionales spécifiques.
Grâce à la politique économique favorable du Parti communiste chinois qui lui garantit un développement harmonieux, le Guangxi, situé à la frontière avec le Vietnam et tourné, par ses ports maritimes, vers les pays de l’ANASE (ASEAN), est promis à un avenir radieux.