Le Bön reste une religion populaire au Tibet
par Jean-Paul Desimpelaere, le 17 novembre 2010
La religion bön est la religion autochtone du Tibet, présente sur le Haut plateau bien avant le bouddhisme. Ce sont les grands rois tibétains de la dynastie Tubo (8-9ème siècle) qui instituèrent la religion bouddhiste, originaire d'Inde et transférée en Chine puis au Tibet, en persécutant les anciens cultes du bön.
Actuellement, il reste 86 monastères bön sur le haut plateau Qinghai-Tibet, et on estime qu’il y a encore environ 200.000 adeptes du bön. Mais il s’agit d'une simple estimation, car l’influence du bön est encore très populaire et les croyances relevant du bön touchent certainement plus de gens que cela. Le bön est de caractère animiste, certaines croyances reflètent avec exactitude les lois de la nature. L’éclair, par exemple, est décrit comme étant une énergie négative présente dans les nuages bas qui interagissent avec l'énergie positive du sol.
Le plus ancien monastère bön encore vivant aujourd'hui est celui de Rtse Drugdgon. Il se situe dans le Nord-est du Tibet, non loin des sources du Salween. Il se dresse fièrement à 4800 mètres d'altitude, sur les flancs de la chaîne de montagnes Nyanchen Thanglha, au Sud de Dengqen. Deux cent moines y vivent actuellement. Selon la tradition bön, la fondation du monastère remonte à juste avant notre ère, sous le règne du roi Mutri Tsempo. Au cours de l'histoire du Tibet, le bön et le bouddhisme se sont intriqués mutuellement au point où, par exemple, le responsable du monastère Rtse Drugdgon, Bstan Vdzin Vod Zer, prétend être lui-même un « bouddha réincarné ». C'est un jeune homme plein de dynamisme qui possède un appartement à Beijing et donne des conférences dans toute la Chine pour faire connaître les traditions du bön, par exemple la grande fête religieuse du bön qui a lieu chaque année, en octobre.
Certaines coutumes tibétaines trouvent leur origine dans le bön. Par exemple, dans l'Amdo, on enterre encore les chiens à l’intérieur de la maison ou devant la porte d’entrée. En effet, les chiens, ainsi que les chevaux, les ânes et les yacks, étaient considérés comme des animaux protecteurs de la maison et de ses habitants : ils pouvaient éloigner les démons et les mauvais esprits. Ainsi pendant les rituels, d'un mariage ou d'un décès, un bon nombre de ces animaux étaient sacrifiés.
La religion bön se structura peu à peu en opposition avec la deuxième vague du bouddhisme qui venait du Nord de l'Inde et qui a rapidement pris de l'expansion sur le haut plateau au début de notre ère. Le bön s'est répandu à partir du premier petit état tibétain, le Zhangzhung, situé dans l’Ouest du Tibet (l’actuel Ngari). Pourtant, la plus sacrée des montagnes du bön ne se trouve pas là, mais dans la région du Kongpo, dans l’Est du Tibet.
C'est que le fondateur légendaire du culte bön, Tonpa Shenrab, vint du Zhangzhung, pour répandre les pratiques du bön sur tout le Haut plateau. Il se heurta à l’opposition du maléfique dieu-roi du Kongpo qui prit la forme d’une haute montagne afin de brouiller la piste de Shenrab. Mais le pouvoir magique de Shenrab était plus grand et il transforma la montagne en dieu protecteur de la religion bön. La montagne reçut le nom de « bönri ».
La tradition bön nous rapporte également que le pèlerinage autour de cette montagne sacrée fut initié par un moine au 14ème siècle. Depuis lors, et jusqu’à ce jour, des Tibétains pratiquent encore cette « kora » (circonvolution autour d'un montagne sacrée). Le tour complet se fait en sept jours, mais comme souvent, un trajet de deux jours est possible aussi. Dans ce cas, il ne s’agit que du passage d’un des cols du bönri et pas de la kora complète.
Cette randonnée présente cependant un sérieux dénivelé, de 2900m à 4600m. Le départ se prend dans la petite ville de Menri, juste au Nord de le fleuve Yarlung Tsangpo, dans le canton de Mainling.