Projet de boisement des montagnes du nord et du sud de Lhassa
par Elisabeth Martens, le 8 juin 2024
L'écologie est une préoccupation majeure au Tibet, en voici encore un exemple avec le projet de boisement des montagnes du nord et du sud de Lhassa. Il s'agit d'un projet de grande envergure qui s'étale de 2021 à 2030 et qui devrait permettre de réaliser 2,067 millions de mu de boisement, dont 1,206 million de mu de boisement artificiel (y compris par ensemencement aérien), avec la fermeture de la montagne sur 839 000 mu pour la protection des mises en culture des forêts et des prairies (1 mu =1/15 d'hectare, soit environ 666,67 m2).
Le projet prend la rivière Kyichu qui passe à Lhassa (affluent du Yarlung Zangpo) comme axe principal et se concentre sur la plage visible de la première crête des deux côtés de la montagne. Il inclut les villes de Lhassa, Chengguan, Liuwu, Doulungdeqing, Dazi, Qushui, Mozhugongkar, Linzhou et Shannan. Il s'agit du plus grand projet de boisement manuel de l'histoire du Tibet. Selon le plan, d'ici à 2030, la nouvelle zone de boisement sera environ 600 fois supérieure à la zone verte déjà existante de la montagne Sud.
Un projet de grande envergure
Afin de mettre en œuvre les idées de Xi Jinping sur la civilisation écologique et d'améliorer les conditions de vie en zone urbaine, le Comité du Parti central chinois et le gouvernement de la Région autonome du Tibet ont pris des dispositions communes pour « écologiser » les montagnes du nord et du sud de Lhassa.
Ce projet de boisement a démarré en 2021. Les résultats actuels sont plus qu'encourageants : les montagnes bordant la vallée du Yarlung Tsangpo ressemblent à deux « hadas » vertes s'étendant d'est en ouest sur près de 200 kilomètres (une "hada" est l'écharpe de bienvenue traditionnelle au Tibet).
Un coup d'œil aux données de ce projet montre son envergure : environ 5 millions de personnes y ont participé ; 96 stations de pompage et 528 réservoirs équipés de système d'élévation de l'eau ont été construits ; il compte déjà 610,7 kilomètres de canalisations, 203 transformateurs ont été installés, plus de 500 000 mètres de lignes à haute et à basse tension ont été érigées et 101,3 kilomètres de routes ont été construites. Plus de 80 millions de plants de différentes espèces végétales ont été plantés avec un taux de survie atteignant 80 %, ceci pour à altitude moyenne de 3600 mètres.
Coordination du projet
Afin de coordonner les travaux de boisement et de verdissement des montagnes du nord et du sud de Lhassa, la Région autonome du Tibet a créé un quartier général dirigé par Wang Junzheng, secrétaire du Comité du Parti de la Région autonome, et Yan Jinhai, secrétaire adjoint du Comité du Parti du district et président de la Région autonome. Le bureau du quartier général coordonne la mise en œuvre du projet et garantit le commandement et l'organisation des unités et des entreprises participantes. Afin de « dessiner le plan jusqu'au bout, en travaillant année après année », il faut faire preuve de persévérance stratégique.
« Le boisement et l'écologisation sont un projet systémique qui ne peut être promu par un seul département. Il nécessite la participation de l'ensemble de la société », a déclaré Kelsang Norbu, secrétaire adjoint du groupe du parti et directeur du Bureau des forêts et des prairies de Lhassa. Il a ajouté : « le but du bureau est de créer un mécanisme qui relie tout le monde, de bas en haut, et gère conjointement l'électricité, les réserves d'eau, les transports et tous les autres départements. Il doit résoudre de nombreuses difficultés pratiques en première ligne du boisement. »
Le parc Nanshan de Lhassa
Le parc Nanshan de Lhassa est la première zone a avoir bénéficier du projet. Il a amélioré l'environnement urbain de Lhassa. À l'heure actuelle, il accueille chaque jour environ 3000 à 5000 citoyens et touristes. Petit à petit, il est devenu un lieu privilégié des citadins qui viennent s'y détendre, pratiquer du sport, se remettre en forme, et il est un but des balades touristiques à Lhassa.
En même temps, il est une des zones clés du projet de verdissement des montagnes du nord et du sud de Lhassa. Il est comme un microcosme du projet et c'est grâce à cette expérience réussie qu'un projet plus large a été lancé en 2021. Il fut pleinement mis en œuvre à partir de 2022.
La zone humide de Lalu
Lalu qui, en tibétain, signifie « grand marais de roseaux », est la zone humide naturelle urbaine la plus haute du monde et la plus grande de Chine. Elle est située au nord-ouest de la ville de Lhassa, on l'appelle couramment le « Poumon de Lhassa ».
En 2022, c'est la zone humide de Lalu qui fut le centre d'intérêt du projet de verdissement des montagnes du nord et du sud de Lhassa. Elle a représenté un investissent d'environ 135 millions de yuans (soit 17,2 millions d'euros). Tous les travaux de reboisement ont été achevés, ils couvrent une superficie de 5.443 acres (soit 2.203 ha). Au total, plus de 1,5 million de plants d'essences variées ont été plantés, entre autres le cyprès géant de Yajiang, l'argousier de Gyantse et le saule alpin. Le taux de survie global était supérieur à 95 %.
Suolang Wangdui, le consultant technique a suivi de près les opérations dans la zone de Lalu et a divulgué ses conseils : « Regardez, cette feuille est un peu jaune. Il se peut que l'eau n'ait pas atteint le système racinaire. Assurez-vous d'arroser soigneusement le trou. » Et ailleurs : « Cet orme blanc vient d'être planté, vous devez donc essuyer les bourgeons de temps en temps pour assurer que la nutrition soit équilibrée. »
Au fur et à mesure que les travaux progressaient à Lalu, les départements concernés triaient et choisissaient les espèces en fonction des conditions locales : arbres à feuilles persistantes, arbres à feuilles caduques, arbustes et autres plantes. Cette stratégie du « petit à petit » devait répondre au concept de planification de « fleurs au printemps, ombre en été, couleurs en automne et verdure en hiver ». La zone humide de Lalu est ainsi devenue un exemple de la mise en œuvre du principe « une montagne, une scène, une pente, une couleur ».
Un plan de soutien aux pépiniéristes
Le bureau du quartier général du projet a rédigé un « Plan de soutien aux pépinières pour le projet de verdissement des montagnes du nord et du sud de Lhassa (2024-2033) ». 19 pépinières dans la région ont été sélectionnées et 38 bases de pépinières nouvelles ont été achevées.
En 2024, 93,13 millions de plants y seront cultivés, dont 54,42 millions d'arbres d'essences variées : 4,88 millions d'espèces d'arbres à feuilles persistantes comme le pin chinois, l'épicéa et le cyprès géant ; 49,54 millions d'espèces d'arbres à feuilles caduques, telles que l'argousier de Gyantse, le noyer et l'orme pour 58,44 %, et le Saule et le Sophora japonica pour 41,51 % ; les herbes ornementales et les bambous sont principalement le sedum, l'iris et le bambou doré, soit 50.000 plantes représentant 0,05 % du total.
Le responsable du bureau dit encore devoir ajuster les excédents et les pénuries de plants, dispenser des formations et des conseils techniques aux pépiniéristes et fournir une garantie pour les plants quittant la pépinière.
La plantation demande également une soigneuse supervision. Li Dongjing patrouille en montagne chaque jour pour contrôler la qualité et l'avancement du boisement : « La pose des plants doit d'abord passer par une phase de test pour connaître la qualité de la terre et la réaction des plants. Si les plants sont faibles, nous demandons à les remplacer par des plants de meilleure qualité et mieux adaptés à la terre, le but est d'atteindre un taux de survie supérieur à 90 %. », explique-t-il.
Augmentation des revenus
Dans la zone de boisement autour de l'aéroport de Gonggar, les arbres d'été donnent un ombrage agréable. Des espèces telles que Pinus tabulaeformis, l'abricotier de montagne et le genévrier Qilian poussent très bien là-bas et couvrent les pentes les plus élevées. Plus près du rivage, des acacias s'élèvent dans le sable. Des petites fleurs violettes en pleine floraison confèrent au paysage une atmosphère romantique qui contraste avec les rochers environnants.
« Je me sens très fier de voir les jeunes arbres que j'ai plantés devenir progressivement de grands arbres ! » dit Tenzin Dundup tandis qu'il arrose de jeunes arbres. Il est originaire du comté de Dingri, dans la ville de Shigatse. Il a 23 ans cette année et travaille dans le boisement depuis cinq ans. Son travail principal consiste à planter, surveiller et arroser les jeunes arbres. Ce travail peut rapporter entre 60.000 et 70.000 yuans par an (7.655 à 8.930 euros). De nombreuses personnes comme Tenzin Dundup comptent sur la plantation d’arbres pour augmenter leurs revenus.
Le gouvernement régional a toujours considéré la promotion de l'emploi et l'augmentation des revenus comme un ancrage important de la réalisation des projets « d'écologisation » du Tibet. En augmentant leurs revenus annuels, les agriculteurs et les éleveurs participent volontiers aux travaux de boisement et les entreprises sont incitées à acheter des plants et à louer des machines auprès de la région. En moyenne, le plan de verdissement des montagnes du nord et du sud de Lhassa a augmenté les revenus de près de 1,86 milliard de yuans (237,3 millions d'euros) desquels ont principalement bénéficier les agriculteurs et les éleveurs. Jusqu'à présent, environ 5 millions de personnes ont participé à ce vaste projet.
Le groupe de Dongga
Au début du projet, beaucoup de villageois ne comprenaient pas ces initiatives, surtout là où les terres sont desséchées et n'ont jamais vu un seul arbre, où les pentes montagneuses subissent des étés secs et chauds et des hivers où dominent le vent et le sable. En 2012, Renzeng, chef d'un village du district de Dongga, a voulu amener sa communauté vers la plantation volontaire d'arbres. Il était déterminé à améliorer le cadre de vie du village adhérant à l'idée de « laisser un peu de beauté aux générations futures ».
« Au début, les villageois ne comprenaient pas, certains ont même marqué une forte opposition. Mais on s'est entêté, on a été de maison en maison en insistant sur la nécessité de planter des arbres chaque année. Les montagnes sont progressivement devenues plus vertes et au fur et à mesure l'attitude des villageois s'est aussi transformée ».
Finalement, en 2022, cette communauté villageoise fut le premier comité de quartier du Tibet à participer au projet de verdissement des montagnes du nord et du sud de Lhassa. Des fonds de 39,904 millions de yuans ont été rassemblés pour entreprendre un travail de boisement sur 2.242,5 acres (907 ha) dans le district de Dongga. Les villageois se sont inscrits les uns après les autres pour faire partie du personnel de gestion du projet dans cette zone.
Des petite entreprises collectives ont même vu le jour à Dongga. Des piscines et des terrains de football se sont ouverts et sont devenus des lieux animés pour se détendre et se divertir le week-end et les jours fériés. « C'est un bon endroit au pied de la montagne Xiga. On peut aller nager après avoir joué au football », dit Renzeng. Le terrain de football et la piscine rapportent à eux seuls plus de 300.000 yuans de dividendes à ce groupe chaque année.
Le boisement des montagnes du nord et du sud de Lhassa est à la hauteur de son époque. Là où l’herbe ne poussait pas ou ne poussait plus depuis des décennies, il y a maintenant des forêts. Lhassa est devenue une capitale écologique dans laquelle il est agréable de vivre et de circuler, entourée d'eau et de collines verdoyantes. Le projet d'écologisation de Lhassa et de ses environs est un projet pionnier dans la construction d'une civilisation écologique sur tout le haut plateau tibétain.
Sources :
https://politics.gmw.cn/2024-06/05/content_37364919.htm
https://www.sohu.com/a/783848911_429139?edtsign=31394B587F95FD9F1366603EB989DFE0FE3D2E80&edtcode=v1kPcsuVpwONqQTmI9mDPg%3D%3D&scm=thor.282_14-200000.0.10006.&code=z7xx79ub6ue
http://m.tibet.cn/fr/index/top/202207/t20220706_7235212.html
http://m.tibet.cn/fr/environment/202012/t20201229_6928481.html