Le dalaï-lama désavoue Sogyal Rinpoché
André Lacroix 8 septembre 2017
Le 15 septembre 2016, les éditions Max Milo publiaient Les dévots du bouddhisme, le journal d'enquête de Marion Dapsance sur les graves dérives de Sogyal Rinpoché, le lama du monastère Rigpa près de Lodève, inauguré en grande pompe en 2008 par le dalaï-lama, en présence de diverses personnalités comme Bernard Kouchner, Carla Bruni, Rama Yade et, bien sûr, Matthieu Ricard.
Le livre de Marion Dapsance allait provoquer l’ire de bouddhologues patentés comme Philippe Cornu (voir « Quand la foi devient mauvaise foi, même dans le bouddhisme ! ») ou Éric Rommeluère (voir « L'aura des centres « Rigpa » du bouddhisme tibétain frémit ») (voir tibetdoc.org → Religion → Bouddhisme tibétain dans le monde). Ces intellectuels ayant pignon sur rue ne supportaient pas que l’on puisse ainsi révéler une face sombre du bouddhisme tibétain…
Mais leur plaidoyer n’a pas réussi à étouffer le scandale. Le 27 juillet 2017, Marianne publiait de larges extraits d’une lettre signée par huit des plus proches disciples de Sogyal Rinpoché, révélant « des détails inédits et glaçants sur la violences des pratiques du maître », selon les termes d’Élodie Émery dans son article publié par Marianne le 28/07/2017.
Plus significatif encore : le 11 août 2017, le site Sunyata, sous la plume de Joanne Mériot, nous apprend que le dalaï-lama himself s’est enfin désolidarisé de son sulfureux disciple : « Sogyal Rinpoché était un très bon ami, dit-il. Mais maintenant il est ‘disgracié’. »
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Il y a lieu, bien sûr, de se réjouir de ce virage à 180° de la part de l’Océan de Sagesse, dont le silence était devenu par trop assourdissant.
On peut toutefois se poser des questions sur deux « justifications » fournies par Matthieu Ricard de ce long silence : « il n’y a pas de police des mœurs dans le bouddhisme », confie-t-il à Élodie Émery (art. cit.), ou encore : « le bouddhisme n’est pas organisé de façon hiérarchique comme c’est le cas, par exemple, de l’Église catholique. »
Primo, en quoi l’absence de police des mœurs pourrait-elle justifier un comportement aberrant ? La morale ne serait-elle que soumission à des interdits et peur du gendarme ?
Secundo, si le bouddhisme n’est pas organisé de façon hiérarchique, comment expliquer que le dalaï-lama se comporte depuis des dizaines d’années non seulement comme un leader politique mais aussi, aux yeux du monde entier, comme le pape du bouddhisme ?
Autre question : la justice française va-t-elle se saisir de l’affaire en toute indépendance ?