L'hôpital de médecine traditionnelle chinoise de Kashgar

par Élisabeth Martens, le 30 octobre 2024

Durant notre périple au Xinjiang, nous avons eu l'occasion de visiter le nouvel hôpital régional de Kashgar de médecine traditionnelle chinoise. Il a pour vocation de faire profiter les minorités ethniques de la préfecture de Kashgar et des environs des différentes techniques traditionnelles de la médecine chinoise. Nous avons été reçu par une équipe d'infirmières jeunes et dynamiques,... et une tasse de thé au choix : « contre les maux d'estomac, les insomnies, la fatigue ? »

 

 

 

La construction de l'hôpital a débuté pendant la pandémie de la Covid-19, en 2020. Il a ouvert ses portes en septembre 2023. Situé dans un environnement verdoyant, il comprend trois unités déjà opérationnelles : l'unité de consultation, l'unité d'hospitalisation et l'unité de revalidation. Il compte 300 lits et reçoit en moyenne 500 patients par jour. L'institut de MTC et le pavillon des observations sont encore en construction.

 

19 médecins spécialisés en MTC sont venus du Shandong pour travailler dans les différents secteurs proposés par la MTC : pharmacopée, acupuncture, moxibustion, tuina-amo (massage et acupressure), ventouses, guafa (grattage), auriculothérapie, pose de cataplasmes, diététique, Qigong, etc.

 

L'hôpital jouit de la technologie de pointe de la médecine occidentale (MO) telle que : radiographies, échographies, IRM, scans et pet-scans, laboratoire d'analyse, etc. Les techniques traditionnelles s'appuient sur une infrastructure et un équipement ultra-modernes en vue d'améliorer les examens cliniques et les traitements. Comme dans la majorité des hôpitaux publics, les patients ont le choix entre un traitement en MTC ou MO. Ils sont conseillés par les médecins qui, tous, ont reçu une double formation (bien que spécialisé dans l'une ou dans l'autre). Pour des pathologies lourdes comme le cancer, le traitement combine souvent les deux médecines (MO et MTC). Ce fut également le cas durant la pandémie de Covid-19.

À chaque étage de l'hôpital, des vidéos de présentation des techniques spécifiques à la médecine traditionnelle chinoise tournent en continu. Dans le service de physiothérapie et massage, les lits mécanisés ont été importés de Norvège. Les leviers et les courroies automatiques permettent une mobilisation plus facile et un massage plus efficace durant les séances de Tuina-anmo. Les salles de pratique thérapeutique sont spacieuses et lumineuses. Nous avons été invités à essayer les différentes techniques : auriculothérapie, tuina, acupuncture, moxibustion et ventouses ont été testé par les 6 membres de notre équipe.

Après la séance, nous avons interviewé une jeune femme médecin. C'était sa première année de travail à l'hôpital. Elle nous a raconté qu'elle est originaire de Kashgar et qu'à l'âge de 14 ans, elle a été choisie parmi d'autres par les responsables de son école pour terminer ses secondaires à Beijing. Elle a reçu une bourse d'étude gouvernementale. Puis elle est restée à Beijing pour se former en MTC. « Pourquoi avoir choisi la MTC ? », lui avons-nous demandé. « Car la MTC est reconnue pour son efficacité, pas rien qu'en Chine, mais dans le monde entier. Elle peut traiter tous les types de douleurs, qu'elles soient physiques ou psychiques. Elle est très efficace. »

« Et pourquoi être revenue à Kashgar pour travailler ? »

« Je trouve important que le Xinjiang puisse également profiter de ces techniques traditionnelles de la Chine. Je pense qu'à partir de cet hôpital très moderne, la MTC va rayonner dans tout le Xinjiang et servir toutes les minorités. Et puis, c'est ma ville natale, cela me fait plaisir de la retrouver, même si j'ai apprécié le côté grandiose et historique de Beijing. »

 

 

Empruntant des escalators dignes d'un centre commercial dernier cri, nous arrivons au sous-sol. C'est ici que se trouve la pharmacie traditionnelle avec ses réserves de pharmacopée. Les patients y viennent présenter leur prescription après la consultation. Les pharmaciens préparent la potion sur place que les patients emportent. Ils la feront bouillir chez eux dans des cassolettes en argile.

Dans les rangées de petits tiroirs au fond de la salle sont cachés les innombrables trésors de la pharmacopée chinoise. Nous en avions vues quelques uns chez un marchand dans la vieille ville de Kashgar. Entre les thés pour combattre le froid, la fatigue ou la constipation dormaient des sacs de plantain et d'armoise séchés. Sur les étagères, un échafaudage grimpait jusqu'au plafond : des racines de gingembre et des bâtons de cannelle pour réchauffer l'interne, des racines de lotus, des blocs de gypse et des pet-de-loups pour évacuer la chaleur, du cannabis et des noyaux de prune comme purgatifs, de la menthe et des rayons de miel pour libérer la surface, des racines d'angélique et de la poudre de serpent contre les rhumatismes, du broyat de coquillage, de scorpions ou de scolopendre pour calmer les colères du foie, le ginseng et l'écorce de mandarine pour régulariser l'énergie, les écailles de pangolin et le chardon-marie pour discipliner le sang, la datura innocente et le tussilage pour calmer la toux, et le très recherché caterpillar fungus ou champignon-chenille célèbre pour son caractère antitumoral.

 

 

En sortant de l'hôpital, nous rencontrons le directeur et j'en profite pour lui poser quelques questions concernant les assurances maladie et le fonctionnement de la sécurité sociale au Xinjiang. « Ce n'est qu'à partir de 2011 que nous avons bénéficié d'un système d'assurance sociale unifiée pour tout le pays, régions autonomes comprises.

Cela a permis l'introduction progressive d'un fond de pension national. Cette assurance propose une couverture de base avec cinq piliers : santé, vieillesse, chômage, accidents du travail et maladies professionnelles, maternité. Pour les soins de santé, il existe un système d'assurance maladie qui couvre partiellement les frais médicaux. Les travailleurs et les employeurs cotisent à ce fonds à raison d'environ 2% du salaire pour les employés, plus une contribution de l'employeur, souvent autour de 10%. Les marges s'établissent selon des critères de santé du travailleur, du nombre de membres dans la famille, du type de travail, etc.

En ce qui concerne la vieillesse, des cotisations sont prélevées sur les salaires, environ 8% du salaire pour les employés et environ 20% pour les employeurs. Les prestations dépendent de l'historique des cotisations et constituent une pension de retraite. Une assurance spécifique offre un soutien financier aux travailleurs qui ont perdu leur emploi, avec des cotisations versées par les employeurs (environ 1%) et les employés (environ 0,5% à 1% ). Les congés de maternité, les accidents de travail et les maladies professionnelles sont entièrement pris en charge par l'employeur. Ceci constitue un système de sécurité social unifié pour tout le pays.

Chaque district (c'est la division administrative la plus petite après la préfecture, puis la province) doit obligatoirement disposer d'une agence d'assurance sociale. Celle-ci adapte les directives du gouvernement central aux conditions de vie locales. Nous avons rapidement compris l'importance de ce système de sécurité social unifié, ses avantages ont soutenu l’économie locale et nationale de manière concrète et efficace. »