La pyramide des âges au Tibet ne montre aucune anomalie
par Elisabeth Martens, le 19 février 2009
Ce que nous avons appelé « le massacre de 1959 à Lhassa » n’était que l’amorce d’un mensonge médiatique bien plus gigantesque encore, et qui se poursuit depuis plus de trente ans : celui du « génocide du peuple tibétain ». En effet, en 1984, le gouvernement tibétain en exil communique officiellement un chiffre qui dépasse tout entendement : 1,2 millions de Tibétains morts, en raison de la présence chinoise, sur une période s’étalant de 1959 à 1979.
Le ministre tibétain de l’information (du gouvernement en exil), Juchen Thupten Namgyal, a tôt fait d’associer ce chiffre aux termes de « génocide ethnique », ce qui était jouer sur une corde sensible de l’Occident. Or à cette époque le nombre total de Tibétains ne dépassait pas 2,5 millions de personnes (1) ? Alors comment la présence chinoise aurait-elle pu faire 1,2 millions de victimes ? Il aurait fallu que tous les hommes du Tibet (soit la moitié de l’effectif tibétain, environ 1,25 millions de personnes) eussent disparu en vingt ans, ce qui n’est manifestement pas le cas puisqu'aujourd’hui les Tibétains sont six millions en Chine.
Quand bien même cela aurait été le cas, cela devait nécessairement s’observer sur les courbes démographiques. Or ces graphiques ne montrent aucune anomalie pour ces années-là (2). Falsification des données ? Sans aucun doute, a répondu Patrick French, ex-directeur de Free Tibet, qui a été sur place, à Dharamsala, pour vérifier les chiffres avancés par les autorités tibétaines (3).
Sautman, expert démographe, a lui aussi démontré qu’il était impossible que les chiffres avancés par le gouvernement en exil correspondent à la réalité. En effet, comment pouvoir affirmer que, sur cette période de vingt ans, il y eut très précisément 156.758 personnes exécutées, 432.067 tombées sur le champ de bataille, 413.151 mortes de faim, 92.931 décédées sous la torture, 174.138 dans les camps ?... et le comble : très exactement 9002 personnes se seraient suicidées (4).
Tout d’abord, dans le Tibet ancien, il n’était pas dans les us et coutumes de recenser les nouveau-nés ni de compter les morts. De plus, durant cette période, le Tibet était sous surveillance chinoise, alors que ces chiffres émanent du gouvernement tibétain en exil.
Trop d’indications mènent à la conclusion qu’il s’agit d’une pure et simple invention de la part du gouvernement en exil. Cette fabulation a donné lieu à un monstrueux mensonge médiatique relayé depuis trente ans par la presse occidentale. Ce qui est essentiel à souligner dans cette manipulation des chiffres, c’est qu’on a voulu faire passer un soulèvement civil pour un génocide ethnique : « les Chinois exterminent les Tibétains », disait-on chez nous, et c’est l’information qui est resté gravée dans la tête de beaucoup d’entre nous. Or il s’agit là d’une manipulation de l’opinion publique extrêmement dangereuse car elle pousse à l’intolérance et à la xénophobie. On a pu constater les dégâts causés par de telles manipulations à caractère ethnique dans les Balkans. Or, ne l’oublions pas : elles ont toujours comme arrière fond les intérêts économiques des grandes puissances.
Pour le Tibet, il en fut de même. Si les États-Unis ont voulu attirer le 14ème dalaï-lama vers l’Occident, ce n’était pas par souci pour le peuple tibétain, mais en fonction d’une « attitude à adopter vis-à-vis de la Chine » : rejet du communisme chinois et blocus économique. SS-le-DL fut une sorte d’otage dans les relations entre l’Occident et la Chine. En était-il conscient à ce moment-là ? On ne saurait le certifier, il n’avait que 24 ans quand il est parti du Tibet.
Mais il en est devenu rapidement conscient et il a bien voulu jouer le jeu des États-Unis. Il faut dire qu’en quittant la Chine, il n’avait plus vraiment d’autre choix que devenir le « pion orange » des États-Unis. Ces premiers mensonges médiatiques ont ouvert la voie à tout ceux qui ont suivi et qui en réalité n’ont qu’un seul but : diaboliser la Chine, pour que les intellectuels de nos classes aisées et moyennes, de l’extrême gauche à l’extrême droite, soutiennent de commun accord tout ce qui entend diviser, voire détruire un pays qui nous dérange.
Cela a fonctionné comme sur des roulettes, au point que maintenant, quand on parle du Tibet, on ne vérifie même plus ce qu’on dit. Tant qu’on va dans le sens des médias, donc du gouvernement en exil, tout va bien…. et on dit vraiment n’importe quoi !
Tant et si bien que le Tibet est devenu une monnaie d’échange dans ce conflit pompeusement qualifié chez nous de « sino-tibétain », mais qui en réalité est un conflit d’intérêt entre la Chine et l’Occident, un conflit qui finalement ne concerne que de loin les Tibétains eux-mêmes.
Notes :
(1) P. French, « Tibet, Tibet, une histoire personnelle d’un pays perdu », p.321
(2) pyramide des âges : « Population pyramide Tibetan », Population Statistics Departement SBS (1994)
(3) pour une étude de ce chiffre de 1,2 million de morts, lire P. French, « Tibet, Tibet,… », pp.320-326
(4) chiffres donnés par le gouvernement tibétain en exil et repris par Sautman dans « ‘Demographic annihilation’ and Tibet », « Contemporary Tibet », p.237