Tibet : le « robinet de l’Asie » ?
par Jean-Paul Desimpelaere, le 15 juin 2009
Au Tibet , les précipitations annuelles moyennes sont de 380 mm/an (moins de la moitié de ce qui tombe chez nous), et elles sont de 100 mm dans la province de Qinghai. Autant dire que le Haut-Plateau « Qinghai-Tibet », surface équivalente à cinq fois la France, est particulièrement aride et sec. De plus, la moitié de cet énorme territoire est menacé de désertification. Alors d'où vient l'assertion que la Tibet est le « robinet de l'Asie » ?
Certes, les glaciers de l’Himalaya, les plus hauts du monde, représentent une énorme réserve d'eau. Ces glaciers reculent et libèrent de grandes quantités d'eau qui risqueront de provoquer des inondations saisonnières pendant plusieurs décennies. Mais qu'en est-il des grands fleuves qui sillonnent l'Asie ? D'où provient leur eau ?
Bien que plusieurs grands fleuves d’Asie prennent leur source sur le Haut-Plateau, l’eau n’y est pas abondante. C’est surtout sur les contreforts du plateau que les fleuves prennent leur débit.
Le Fleuve Jaune prend sa source dans le nord du Haut-Plateau, une région quasi désertique. Depuis quelques décennies, sa source se tarit en moyenne trois mois par an. Dans cette même région, nommée « SanJiangYuan » ou le « Jardin des Trois Fleuves », prennent aussi leur source le Fleuve bleu (Yangzi) et le Mékong.
Ces grands cours d’eau (auquel il faut rajouter le Salouen) reçoivent la plus grand partie de leur eau dans les régions situées en plus basse altitude, sur les flancs est du Haut-Plateau, dans les provinces du Sichuan et du Yunnan. Les précipitations annuelles dans ces provinces peuvent atteindre 5000 mm/an, et c'est là que le débit des grands fleuves devient colossal.
L’Indus, qui descend d’un glacier dans l’ouest du Tibet (désert de pierre et de sable), n’est également qu’un petit cours d'eau à ces hauteurs. Il prend son vrai débit sur le versant sud de l’Himalaya, à la frontière entre le Pakistan et l’Inde.
Quant au Yarlung Zangpo, le fleuve principal du Tibet, il traverse majestueusement la province d’ouest en est (notre Escaut fait pauvre mine à côté du Yarlung!). Pourtant, pour devenir l’impressionnant Brahmapoutre, il doit encore récolter de nombreux cours d'eau dévalant des versants sud de l’Himalaya, situés en Inde, au Bhoutan et au Sikkim.
En bref, au Tibet même, il n’y a pas beaucoup d’eau, et il y en a encore moins au Qinghai.
Presque deux tiers du Haut-Plateau sont même menacés de désertification, surtout l'ouest du Tibet et le Qinghai. D’après les relevés de 38 stations de contrôle, la température moyenne du Tibet a déjà augmenté de quatre fois de 0.3°C en dix ans. Au Qinghai et dans l’ouest du Tibet, les précipitations sont de moins en moins importantes. Par contre, dans le centre du Tibet, elles augmentent légèrement (10 mm par an, moyenne des trois décennies passées), et dans l’est du Tibet (zone déjà fort humide), elles augmentent considérablement. Ces différences régionales s’accentuent encore avec le réchauffement climatique.
Cependant, au cours des trente dernières années, l’activité humaine a également contribué à la désertification : le nombre d’habitants a doublé et le nombre de vaches, de yacks, de moutons et de chèvres a triplé. Les surfaces d'herbage ont diminué proportionnellement, si bien qu'une grande partie des pâturages est devenue zone protégée, surtout au Qinghai.
Les autorités locales essaient de réduire les cheptels en distribuant des subsides, des serres gratuites pour le maraîchage et en proposant des formations qui permettent aux éleveurs de convertir leurs activités.
La Chine veut régler son problème en eau potable en aménageant plus de réservoirs pour récupérer l’eau de pluie. D'autres projets de recyclage des eaux usées pour irriguer les champs sont en cours et – plus révolutionnaire – des projets pour purifier les eaux usées et les rendre à nouveau potable à la consommation.