Shangri-La : du mythe à la réalité
par André Lacroix, le 6 janvier 2018
Shangri-La, c’était le nom d’un lieu extraordinaire et imaginaire, décrit en 1933 par James Hilton dans son livre Lost Horizon.
Shangri-La, c’est aujourd’hui le nom d’une cité florissante qui attire chaque année des millions de visiteurs de Chine et d’ailleurs.
C’est que, en 2001, le gouvernement chinois a eu l’idée de rebaptiser ainsi la modeste bourgade de Zhongdian, de la restaurer de fond en comble, de la moderniser, de l’agrandir. Elle est passée de 15 000 à 360 000 habitants et est devenue un pôle touristique comparable à Lhassa.
De Zhongdian (en 1999)…
Durant l’été 1999, avec ma femme et ma fille fraîchement diplômée de l’INALCO, nous parcourons l’ouest de la Chine, du nord au sud, depuis la lisière du désert de Gobi au Gansu jusqu’au Yunnan en passant par le Sichuan. L’après-midi du 11 août, nous arrivons à Zhongdian, au nord-ouest du Yunnan, pour aller y retrouver un jeune Tibétain que notre fille connaissait. Le temps est couvert. La mousson nous gratifie de pluies intermittentes. La bourgade, située à 3 200 mètres d’altitude n’a rien de particulièrement attrayant. On y croise surtout des Tibétains, mais aussi des Han, des Bai, des Hui et des Naxi.
Le lendemain, sous un ciel toujours morose, nous partons à la découverte du monastère de Songzanlin, un important complexe comptant plusieurs centaines de moines.
C’est un ensemble d’habitations et de salles, de grandeur et d’aspect différents, dont certaines sont en cours de restauration. Nous sommes frappés par le nombre d’artisans qui y travaillent ainsi que par la taille et la richesse des matériaux utilisés.
… à Shangri-La (en 2012)
Avant de nous rendre, en décembre 2012, à Lhassa pour y retrouver notre ami Tashi Tsering et lui offrir quelques exemplaires de ma traduction de ses mémoires, nous faisons halte, ma femme et moi, à Shangri-La (ex-Zhongdian). Nous ne reconnaissons pas la bourgade vue treize ans plus tôt. Shangri-La est une vraie ville, dotée de rues et de places, bordées de centaines de belles constructions en bois de style traditionnel : des maisons d’habitation, des restaurants et des boutiques. Sous un ciel pur, la ville est calme et plutôt déserte : l’air glacé y est pour quelque chose…
Après une nuit dans un hôtel très confortable, notre adorable guide, une jeune Tibétaine, nous emmène pour une visite approfondie du monastère de Songzanlin.
De loin, nous pouvons déjà voir que nombre d’édifices ont été rehaussés et embellis. Et quand nous nous approchons du site sous un ciel où domine le bleu, nous sommes saisis par l’éclat que les restaurations ont réussi à donner à un complexe qui nous avait paru assez terne treize ans pus tôt.
C’est une succession de palais élevés, richement décorés et dont les toits dorés scintillent sous le soleil d’hiver. L’intérieur des bâtiments renferme de magnifiques salles de prière, soutenues par des piliers de bois peints en rouge vif, ornées de fresques multicolores et de lourds tapis aux teintes sombres, et baignant dans une atmosphère paisible où flottent des parfums d’encens et de lampes à beurre. Ce monastère qui abrite quelque cinq cents moines est le plus grand du Yunnan. Ce n’est pas pour rien, nous dit fièrement notre guide, qu’on l’appelle le « Petit Potala ».
Une réussite diversement appréciée
Au lieu d’admirer la création d’une ville et la résurrection d’un monastère, les partisans d’un « Tibet libre » n’y voient qu’une entreprise de « folklorisation » de la culture tibétaine, comme si la vraie culture était nécessairement liée à un passé pas si lointain où le peuple vivait dans des taudis sans la moindre commodité et où les lamaseries ne devaient leur opulence qu’aux serfs qui travaillaient pour elles. Combien de maires et de bourgmestres chez nous ne seraient pas heureux de pouvoir offrir à leur cité un profond lifting et la restauration de leurs joyaux religieux !
Heureusement, il existe des amoureux du Tibet qui ne partagent pas les commentaires grognons des indépendantistes. Il y en a même un, le jeune reporter photographe explorateur français Constantin de Slizewicz (*), qui a choisi de s’établir à Shangri-La comme point de départ d’expéditions touristiques dans l’Himalaya semblables à celles d’antan, avec tout le faste qui les entourait et en respectant la nature.
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(*) auteur d’un passionnant récit Les peuples oubliés du Tibet, éd. Perrin, 2007.