Raphaël Glucksmann, le nouveau substitut de la cause ouïghour
par la rédaction de Observatoire du néoconservatisme, le 21 janvier 2021
Ils sont devenus la préoccupation première des responsables politiques américains qui jusqu’ici se souciaient peu, pour ne pas dire pas du tout, des peuples opprimés. Selon Donald Trump des entreprises chinoises exploitent la communauté Ouïghour. Même ton chez Joe Biden, qui parle de répression. En France, les chantres des réseaux acquis à l’Amérique impérialiste relaient comme ils l’ont toujours fait quel que soit le pouvoir en place la rhétorique étasunienne sans jamais y apporter la moindre correction.
Sur les chaînes de télévision et dans les grands médias en général, seuls “les spécialistes” favorables aux affirmations américaines sont tolérés. Pourtant, il existe des voix dissonantes. Le journaliste Maxime Vivas, l’un des rares à s’être vraiment rendu sur place, publie un livre-enquête : Ouïghour pour en finir avec les fake news. L’historien André Lacroix écrit : Après le Tibet, place au Xinjiang pour discréditer la Chine. Docteur en information et en communication, Emmanuel Wathelet, sans toutefois nier les dérives du capitalisme chinois, revient méthodiquement sur les mensonges d’Amnesty International sur la Chine.
Difficile pour nous de trancher définitivement, mais une chose est sûre : les réseaux inféodés à Washington nous ont appris à nous méfier de leurs affirmations. Quoi de plus légitime de douter d’un pays qui dans son histoire n’a eu de préoccupations que pour l’hégémonie de son Dollar ? Partant de ce principe, il nous a semblé, en attendant un éventuel débat contradictoire à la télévision entre débatteurs avisés, de revenir sur la carrière d’un supporter inconditionnel de la cause Ouïghour si l’on s’en tient à ses dires.
La méthode à papa
Fils du nouveau philosophe André Glucksmann, Raphaël s’est particulièrement inspiré jusqu’alors de l’approche intellectuelle de son père. Ce dernier, qualifié par le sociologue Claude Grignonde de « révolutionnaire conservateur », qui « met l’est à la place de l’ouest, la gauche à la place de la droite, la droite à la gauche de la gauche […], transforme les révolutions victorieuses en révolutions manquées et les révolutions manquées en révolutions réussies », s’était fait remarquer dans les années 70/80 en devenant la figure de proue de l’accueil des « Boat People » vietnamiens. Cela sans jamais rappeler que le malheur des réfugiés vietnamiens était pour l’essentiel le fruit d’un Apocalypse créé par les Américains. (Plusieurs millions de morts et de mutilés). Ainsi, le journaliste John Pilger démontre avec une grande pertinence la similitude entre l’apparition des Khmers rouges au Cambodge et celle de Daech en Irak et Syrie. Deux sectes insignifiantes au départ qui ont émergé à la suite des désastres engendrés par l’intervention américaine.
Dans la période post 11-Septembre qui a fait sombrer indéniablement le monde dans l’idéologie bushiste, la famille Glucksmann, André en tête, a contribué à légitimer l’idéologie néo-conservatrice. Partisans zélés de l’interventionnisme américain, le père, le fils Glucksmann, et leurs amis de la mouvance atlantiste seront à l’origine d’un projet politique qui prendra la forme d’une revue intitulée ”Le Meilleur des mondes”. Impulsée par le Cercle de l’Oratoire, un think tank acquis à l’Amérique imperialiste, cette publication s’avérera être le porte-voix de la propagande des va-t-en guerre, avec le résultat que l’on sait : plus d’un million de morts. Ce chiffre hallucinant et non définitif émane d’un rapport publié par un groupe de médecins lauréats du prix Nobel. La « guerre mondiale contre le terrorisme » a tué plus d‘un million de civils.
Le conseiller de Sarkozy
En 2019, lors de l’élection européenne, Raphaël Glucksmann assure qu’avec lui « La gauche n’est pas morte” et qu’ “il y a une opportunité historique qu’elle gagne au niveau européen ». Dans la campagne qui précéda un échec qui était quasi certain (6,19 %), Raphaël Glucksmann, affaibli par son parcours politique sinueux, refusa que l’on évoque sa proximité avec Nicolas Sarkozy en 2007. Néanmoins, contacté par France Inter, l’entourage de l’époque de Nicolas Sarkozy affirma que Raphaël Glucksmann et l’ancien président “s’appréciaient”. “Ils s’entretenaient régulièrement et Raphaël Glucksmann le conseillait sur la Géorgie.” Nous les voyons même ensemble sur des photos en 2008.
A vrai dire Raphaël Glucksmann connaissait les rouages atlantistes, jusqu’à devenir en 2009 conseiller du chef d’État géorgien, Mikheïl Saakachvili. Qui est donc Monsieur Saakachvili ? Dans le genre aventurier sans scrupule, l’ancien président géorgien se pose là. En 2008, il fait pénétrer son armée dans Tskhinvali, la petite capitale de la région séparatiste d’Ossétie du Sud qualifiée en occident de “pro-russe”. Au bout de 24 heures les troupes géorgiennes refluent en désordre balayées par les troupes Russes. Résultat : Le cessez-le-feu intervient 3 jours plus tard avec le retrait des troupes russes. Saakachvili fut lui aussi un bushiste convaincu. D’ailleurs il enverra ses soldats aux côtés des américains en Irak. Expulsé de Géorgie en 2013 où il est passible de prison pour quatre chefs d’accusation, nous retrouvons comme par enchantement Mikheïl Saakachvili recyclé par un truchement mystérieux en gouverneur de la région d’Odessa en Ukraine.
Une femme sous influence
En Ukraine, Raphaël Glucksmann a également ses entrées. Après le putsch du Maïdan, sous couvert de rétablir la démocratie, il devient l’un des nouveaux préposés en charge du catéchisme libéral-fasciste ukrainien. Libéral, car totalement inféodé au capitalisme occidental. Fasciste, car pour parvenir à leurs fins, les dirigeants se sont agglomérés à des miliciens d’extrême droite. Des activistes ultra-violents qui depuis 2014 font régner la terreur en Ukraine. Ukraine : une milice d’extrême droite détruit un camp de Roms à la hache.
Or qui était l’épouse de Raphaël Glucksmann de 2009 à 2014, lors de cette période de violence en Ukraine ? Eka Zgouladze, celle-là même qui, de décembre 2014 à mai 2016, allait devenir vice-ministre de l’Intérieur de l’Ukraine. Lorsqu’elle rencontre Raphaël Glucksmann, elle est vice-ministre de l’Intérieur de Géorgie, alors dirigée par l’atlantiste Saakachvili (2005-2012) dont Raphaël Glucksmann est un conseiller officieux depuis 2004. Aussi comprenons que notre donneur de leçons en série fut marié à une femme qui allait devenir ministre à la tête d’une véritable organisation militaire et maffieuse parallèle, capable d’employer des régiments néonazis pour ses basses œuvres et ainsi faire basculer la pseudo-révolution de l’Euro-maïdan dans le camp atlantiste.
L’indignation à géométrie variable
Raphaël Glucksmann soutient également la cause des Tchétchènes, nous dit-il. Dans le même temps, il soutient aussi l’ultranationaliste Alexeï Navalny, crédité de 2 à 3 % d’intentions de vote en 2017. Nos médias nous le présentent toujours comme l’unique opposant à Poutine en omettant constamment de parler du Parti Communiste russe, qui est en fait le véritable principal parti d’opposition avec 11,7 % des voix obtenues par son candidat Pavel Groudinine en 2017. Ceci étant, le cas “Navalny coqueluche des occidentaux” est intéressant pour plusieurs raisons dont nous retiendrons ici la plus significative : Dans une vidéo de 2018, Navalny s’est en effet exhibé avec un pistolet automatique pour promouvoir l’autorisation d’utiliser les armes à feu contre les Tchétchènes, qu’il a comparés à des cafards. Alexeï Navalny et les cafards Tchétchènes. Nous sommes donc face à un cas d’école du “paradoxe néocons” : D’un côté tenir un discours empreint de « droitdelhommisme » et de l’autre copiner avec les pires extrémistes, du moment qu’ils servent les intérêts américains. Avez-vous déjà entendu Raphaël Glucksmann s’exprimer sur les drones secrets du tandem Obama/Biden qui leur ont permis d’assassiner au nom de la Sécurité nationale des milliers d’innocents ? Et là, une fois encore il s’agit d’informations prouvées et même confessées, accessibles à tous.
Il n’y a donc aucune originalité dans le « procès néocons » que Raphaël Glucksmann livre contre la Chine. Sa démarche consiste à constamment stigmatiser les cibles désignées au préalable par l’administration américaine, la Chine nous avons vu, mais aussi la Russie, Cuba, l’Iran, ou le Venezuela, tout en omettant de mentionner des informations capitales sur les dérives autoritaires de nombreux alliés de l’Amérique. En conformité avec le logiciel atlantiste, Raphaël Glucksmann délaisse volontairement les dérives et bavures du Pentagone et de la CIA à qui l’appareil politico-économique demande de conduire des guerres pour des motifs extrêmement contestables.
Pleutre et minimaliste
A contrario, prenons deux exemples emblématiques: Bien qu’il ait été présenté lors de la campagne des élections européennes de mai 2019 comme la “tête de gondole” du groupe de “l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates” au Parlement européen, Glucksmann, l’auto proclamé défenseur des opprimés, ne semble pas réagir immédiatement à la famine au Yémen qui est créée de toute pièce par Washington et Riyad, nous explique le magazine américain Counterpunch. A la question “Doit-on vendre des armes à l’Arabie saoudite, un état qui pratique la charia en étant un allié indéfectible des puissances dites démocratiques ?” Raphaël Glucksmann se contente dans un communiqué lapidaire de demander timidement au président de la République “de « faire toute la «transparence» (…) sur les exportations d’armes françaises et sur les liens de la France avec les régimes autoritaires comme l’Arabie saoudite et l’Egypte.”
De la transparence et pas plus pour contenter Raphaël, alors qu’une ONG pourtant acquise aux intérêts de l’occident comme Human Rights Watch déclare « Le gouvernement ne peut plus nier le risque de complicité dans des crimes de guerre ». Depuis 2015, la guerre au Yémen a fait au moins 10.000 morts, et poussé des millions de Yéménites à la famine. La question sera d’ailleurs complètement éclaircie par Amnesty International, une autre ONG à la solde de l’occident, qui malgré tout nous signale que la France « pays des droits de l’Homme » est l’un des plus gros fournisseurs d’armes à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis. La transparence est assurément faite, et visiblement elle suffit à Raphaël Glucksmann.
Récemment sur RMC, à la question “La France doit-elle accueillir Julian Assange ?”, le journaliste lanceur d’alertes emprisonné et torturé dans les geôles de l’occident, Glucksmann répond oui en précisant toutefois qu’ “il n’a aucune sympathie pour Julian Assange qui travaille pour la chaine TV Russia Today et qui en plus a une mentalité un peu complotiste“.
Cette discussion avec Bourdin se conclut d’ailleurs par un lapsus oh combien révélateur : Glucksmann confond l’organisation WikiLeaks fondée par Julian Assange qui nous informe sur les bavures américaines, avec l’encyclopédie Wikipédia “noyautée par la CIA” nous dit le journal 20minutes. Une information édulcorée mais malgré tout présente aussi sur le site du Nouvelobs. Quoi qu’il en soit, une chose est certaine : Pour que Glucksmann nous sorte quelques mots sur les crimes de guerre au Yemen ou sur l’acharnement tortionnaire que subit Julian Assange, il faut les lui arracher de la bouche.
Jeter le discrédit sur quelqu’un en le traitant de complotiste est, comme nous venons de le voir, une autre spécificité de Glucksmann. Ainsi nous avons écrit en préambule qu’il s’était surtout fait connaître en tant que contributeur de la revue néocons / atlantiste “Le Meilleur des Mondes”. Or le bien fondé de cette publication s’appuyait sur le fait que Saddam Hussein avait des armes de destruction massive et qu’il avait l’intention de les utiliser. Ce mensonge vendu à l’époque par Colin Powell, secrétaire d’État des États-Unis, fut à l’origine de la destruction de l’Irak. Dès lors, ouvrons les yeux et comprenons qu’il s’agit là de l’une des pires théories du complot, puisque ce mensonge à caractère paranoïaque a eu pour conséquence d’occasionner la destruction d’un pays dont la population et singulièrement ses enfants, étaient déjà ravagés par un strict embargo imposé par les mêmes Etats-Unis.
Conclusion
Il fit ses premiers pas aux côtés des membres du Cercle de l’Oratoire, la principale structure de rayonnement de la propagande néocons en France. Il fut ensuite le collaborateur de Saakachvili, un pantin à la solde de l’Amérique. Aujourd’hui il cautionne les allégations de Trump et Biden. Bref, à l’instar de Robert Ménard qui fut à la pointe de la campagne anti-JO de Pékin, Raphaël Glucksmann a résolument orienté sa carrière vers les intérêts américains. Si les Ouïghours ont vraiment besoin d’un porte parole crédible, il va sans dire qu’avec Raphaël Glucksmann leur avocat commis d’office, il n’ont pas touché le gros lot.
Habitué aux semblants de débats dépourvus de contradicteurs, notre homme évolue depuis toujours dans un entre-soi qui lui procure l’assurance de ne jamais être vraiment mis en difficulté. Or sans opposer les différents points de vue pour démêler le vrai du faux, il est difficile de pouvoir valider ou pas les différentes déclarations sur la question des conditions de vie des Ouïghours en Chine. Surtout quand les accusations viennent d’un camp qui au nom des droits de l’homme a plongé des parties importantes du monde dans un chaos indescriptible. Une chose est certaine, l’ascension fulgurante de la Chine ne plaide pas en sa faveur.
Ainsi, les vociférations de Raphaël Glucksmann sont en accord avec la position commune des pays occidentaux à l’égard du pouvoir politique chinois. Elles se propagent parallèlement au fond ancestral de racisme anti-asiatique qui puise sa force dans l’histoire sordide de nos guerres coloniales. Il est préoccupant de constater combien les messages haineux d’incitation à la violence envers la Chine se multiplient. Ainsi l’Association des Jeunes Chinois de France (AJCFt), nous alertait dernièrement que “les chinois” sont accusés entre autres d’être à l’origine de la propagation du nouveau coronavirus.