« Les Ouïgours sont forcés à manger du porc »
par la rédaction de Moon of Alabama, le 5 décembre 2020
Les histoires d’horreur racontées par une transfuge chinoise semblent changer aussi rapidement que tourne le vent.
Al Jazeerah, l’organe de propagande du Qatar, a publié un remarquable document de propagande anti-chinoise qui fait écho aux douteuses déclarations de certains organismes affiliés à la CIA, « Les Ouïgours sont contraints de manger du porc pendant que la Chine augmente le nombre d’élevages de porcs au Xinjiang »
D'anciens détenus affirment que forcer les détenus à manger du porc est une pratique répandue dans les camps de rééducation et les centres de détention. Cela fait plus de deux ans que Sayragul Sautbay a été libéré d'un camp de rééducation dans la région du Xinjiang, à l'extrême ouest de la Chine. Pourtant, cette mère de deux enfants souffre toujours de cauchemars et de souvenirs obsessionnels liés à "l'humiliation et à la violence" qu'elle a subies pendant sa détention. Sautbay, médecin et éducatrice vivant aujourd'hui en Suède, a récemment publié un livre dans lequel elle décrit en détail son calvaire, notamment le fait d'avoir été témoin de passages à tabac, d'abus sexuels présumés et de stérilisation forcée. Dans une récente interview donnée à Al Jazeera, elle a fourni plus d’informations sur d'autres indignités auxquelles les Ouïgours et d'autres minorités musulmanes ont été soumis, notamment la consommation de porc, une viande strictement interdite dans l'Islam. "Chaque vendredi, nous étions obligés de manger de la viande de porc", déclare Mme Sautbay. "Ils ont intentionnellement choisi un jour qui est saint pour les musulmans. Et si vous refusez, vous êtes sévèrement puni."
En lisant ce qui précède, je me suis souvenu que j’avais déjà lu un article sur Sayragul Sautbay (ou Sauytbay). Mais l’histoire de l’époque avait l’air bien différente. La femme avait quitté la Chine dans des circonstances controversées, mais n’avait jamais été détenue. Elle était entrée illégalement au Kazakhstan où elle a été traduite devant un tribunal mais n’a reçu qu’une peine légère. Sautbay a ensuite obtenu l’asile en Suède d’où elle fait de la propagande pour un groupe d’exilés ouïgours affilié à la CIA.
Au fil des ans, Sautbay a donné plusieurs interviews. Les détails de son histoire ont continué à évoluer dans un sens anti-chinois.
- Au cours des premiers entretiens, Sautbay affirmait avoir été instructrice dans un camp de rééducation. Puis dans des entretiens ultérieurs, elle a affirmé avoir été détenue.
- Dans des entretiens plus récents, elle affirme avoir été témoin de tortures et de violences dans les camps. Dans des entretiens antérieurs, elle avait réfuté ces affirmations.
- Dans une histoire, elle affirme avoir observé des viols en masse. Dans des entretiens plus anciens, elle insistait sur le fait qu’elle n’avait observé aucune violence.
- Alors qu’elle affirme aujourd’hui que les détenus des camps sont obligés de manger du porc, elle avait auparavant déclaré qu’aucune viande n’était servie dans les camps.
En juillet 2018, la chaîne de télévision américaine RFE/RL a fait un reportage sur le procès de Sautbay au Kazakhstan :
Le procès d'une citoyenne chinoise d'ethnie kazakh accusée d'être entrée illégalement au Kazakhstan a des implications qui vont bien au-delà de la question de savoir si elle sera réunie avec sa famille près d'Almaty ou si elle sera expulsée vers la Chine. En effet, Sayragul Sauytbay, 41 ans, a témoigné de l'existence d'un réseau de "camps de rééducation" en Chine occidentale où, selon elle, des milliers de Kazakhs sont incarcérés pour "endoctrinement politique". Contrairement à d'autres personnes qui ont fui à l'étranger en disant qu'elles avaient été forcées d'endurer un endoctrinement déshumanisant dans de tels camps, Sauytbay n'était pas détenue dans un camp. Elle y était employée. Avant d'entrer au Kazakhstan le 5 avril, Sauytbay était directrice d'un jardin d'enfants - un poste qui, avec son appartenance au parti communiste, faisait techniquement d’elle une officielle de l’État. Elle raconte que les autorités chinoises l'ont obligée à former des instructeurs d'"idéologie politique" pour les camps de rééducation de la région autonome ouïghoure du Xinjiang, dans l'ouest de la Chine.
Selon ce rapport, l’« ancienne détenue » évoquée par Al Jazeerah aurait en fait prétendu être une formatrice d’instructeurs en « idéologie politique » pour les camps de rééducation, et non un formatrice pour les détenus.
Cette position, dit-elle, lui a donné accès à des documents secrets sur le programme d'État chinois visant à "rééduquer" les musulmans des communautés minoritaires indigènes de l'ouest de la Chine - principalement les Ouïghours, les Kazakhs, les Kirghizes et les Huis. Elle a également été témoin du fonctionnement du programme lorsqu'elle travaillait dans un camp pour Kazakhs dans le district de Mongol-Kuro.
Quelques jours après l’article de RFE/RL, le Globe and Mail publiait une interview de Sayragul Sauytbay. Bien que l’histoire qu’elle raconte soit fondamentalement la même, certains détails importants diffèrent :
C'était un lieu de silence, d'apprentissage forcé et de peur. Il était appelé "centre de transformation", était caché dans les montagnes de l'extrême ouest de la Chine, sans aucun signe évident indiquant son but. Mais il ressemblait à une prison et on s’y sentait comme dans une prison. Pendant des mois, Sayragul Sauytbay a travaillé à l'intérieur, enseignant le mandarin et faisant de la propagande auprès des détenus musulmans emportés dans une vaste campagne chinoise visant à éradiquer ce que Pékin appelle l'extrémisme. Puis, faisant elle-même face à un internement, elle s'est enfuie au Kazakhstan voisin - où elle a été arrêtée après que la Chine eut demandé son expulsion. Mais ses avocats ont fait valoir qu'elle pourrait être torturée si elle était extradée et, mercredi, un tribunal kazakh a refusé de la renvoyer, lui infligeant une peine de six mois avec sursis.
Sautbay raconte comment elle, membre du parti, a reçu l’ordre d’enseigner dans un camp :
En novembre dernier, Mme Sauytbay, enseignante à l'école primaire devenue administratrice de maternelle, a reçu l'ordre de travailler dans un nouveau lieu. "Ils ont dit que je devais partir. Je pense que si j’avais refusé, j'aurais fini par être enfermée dans ce centre de rééducation également", a-t-elle déclaré. Elle avait été choisie pour enseigner dans le camp d'internement parce qu'elle pouvait parler à la fois le kazakh et le mandarin. Souvent, elle était conduite à travailler la nuit, dans un endroit éloigné dans les montagnes du comté de Zhaosu, à l'extrême ouest de la frontière entre la Chine et le Kazakhstan. L'installation était entourée de hauts murs et de fils barbelés. Cela avait l'air "très, très effrayant. Un seul coup d'œil vous effrayait", raconte-t-elle.
Son « accès aux documents secrets » semble avoir été plus limité que ne le prétend l’article de RFE/RL :
A l'intérieur se trouvaient environ 2 500 personnes, toutes musulmanes, la plupart d'origine kazakhe. Aucun n'était un Chinois Han, le groupe dominant en Chine. "Ils étaient tous issus de minorités ethniques", a-t-elle déclaré, leur âge allant de l'adolescence à 70 ans. Elle n'a reçu aucune explication sur la raison de leur présence, ni sur le but de l'enseignement qu'on lui a ordonné de donner. "Ils ne nous racontaient rien", explique-t-elle. "Même en tant que professeur, les connaissances que nous avions sur cet endroit étaient très limitées. Ils avaient beaucoup de leurs propres secrets hautement confidentiels". Le travail dans le camp n'avait pas d'horaire fixe, chaque jour un mélange d'enseignement et de "tâches spéciales". Ces dernières pouvaient consister à former les étudiants à chanter l'hymne national chinois, ou à leur apprendre des slogans communistes tels que "Sans le parti communiste, il n'y aurait pas de nouvelle Chine". Mais la plupart du temps, on lui demandait d'enseigner le mandarin.
À l’époque, sa description des conditions de vie dans le camp diffère beaucoup des affirmations du genre « forcés à manger du porc » publiées dans le récent article d’Al Jazeerah :
Elle n'a pas vu personnellement la violence, bien qu'elle ait vu la faim. Les détenus n'avaient que trois sortes de nourriture : de la soupe de riz, de la soupe de légumes et du pain nan. "Il n'y avait pas de viande. Il n'y avait jamais assez à manger. Les gens étaient mal nourris", a déclaré Mme Sauytbay.
La version du mari de Mme Sautbay, publiée en 2018 dans un long article du Washington Post, ne fait pas non plus mention de violence ou de consommation de viande de porc :
Sauytbay, qui travaillait dans l'éducation pour le gouvernement, a vu son passeport saisi par les autorités locales, a déclaré son mari [Uali Islam]. ... En 2016, les fonctionnaires ont demandé les passeports du mari et des enfants de Sauytbay, et ils ont décidé qu'il était temps de partir pour le Kazakhstan. Sauytbay suivrait. Elle a dit : "Je suis une femme et membre du parti communiste, ils ne me feront rien. Peut-être que les choses vont s'arranger et que je pourrai vous rejoindre", se souvient Islam. Début 2017, lui a-t-elle dit, elle a été informée qu'elle était transférée dans ce qui lui était décrit comme un "centre d'éducation". Ce printemps-là, elle est arrivée pour constater qu'il s'agissait en fait d'un camp d'internement abritant des milliers de Kazakhs. Sauytbay a dit à son mari que "l'éducation" était "entièrement au sujet du Parti". Les gardes enfermaient tout le monde dans une pièce, faisaient de la propagande à l'aide de haut-parleurs et on leur faisait chanter des chansons du Parti communiste. Finalement, Sauytbay s'est enfui au Kazakhstan. "Elle a dit, se souvient-il, "Je suis venu, j'ai vu mes enfants, maintenant je peux mourir".
Après avoir obtenu l’asile en Suède, Sautbay s’est jointe à une organisation ouïghoure financée par les États-Unis. Son histoire a alors radicalement changé. De membre du parti et professeur de langue elle s’est transformée en détenue. Il y eu soudain des violences généralisées dans le camp et des personnes qui n’avaient auparavant jamais reçu de viande ont été obligées de manger du porc. En 2019, elle a raconté de telles histoires d’horreur dans un reportage de Haaretz :
Les tortures - clous en métal, ongles arrachés, chocs électriques - ont lieu dans la "chambre noire". La punition est une constante. Les prisonniers sont obligés de prendre des pilules et de se faire faire des injections. C'est pour prévenir les maladies, leur dit le personnel, mais en réalité, ils sont les sujets humains d'expériences médicales. Beaucoup de détenus souffrent d'un déclin cognitif. Certains hommes deviennent stériles. Les femmes sont régulièrement violées. Telle est la vie dans les camps de rééducation en Chine, comme le rapporte le rare témoignage de Sayragul Sauytbay (prononcer : Say-ra-gul Saut-bay, comme dans "bye"), une enseignante qui s'est échappée de Chine et a obtenu l'asile en Suède. Peu de prisonniers ont réussi à sortir des camps et à raconter leur histoire. Le témoignage de Sauytbay est encore plus extraordinaire, car pendant son incarcération, elle a été contrainte d'être enseignante dans le camp. La Chine raconte au monde entier que ses camps sont des lieux de programmes éducatifs et de recyclage professionnel, mais Sauytbay est l'une des rares personnes à pouvoir offrir un témoignage crédible et de première main sur ce qui s’y passe réellement.
Ainsi, un an après avoir explicitement déclaré avoir été une enseignante du PCC, et non une détenue, Sautbay en est devenue une. Alors qu’auparavant elle n’avait pas vu de violence, elle en rapporte maintenant beaucoup.
Les circonstances de l’interview de Haaretz montrent clairement qu’elle est manipulée dans le cadre d’une campagne de propagande :
J'ai rencontré Sauytbay à trois reprises, une fois lors d'une réunion organisée par une association suédoise ouïghoure et deux fois, après qu'elle a accepté de raconter son histoire à Haaretz, lors d'entretiens personnels qui ont eu lieu à Stockholm et qui ont duré plusieurs heures. Sauytbay ne parlait que le kazakh, et nous avons donc communiqué par l'intermédiaire d'un traducteur, mais il était visible que ce qu’elle racontait était crédible.
L’association ouïghoure suédoise fait partie du Congrès mondial ouïghour basé à Munich, une organisation affiliée à la CIA qui a pris de l’importance ces dernières années dans le cadre de la campagne anti-chinoise menée par les États-Unis.
Le fait qu’une telle organisation ait programmé l’interview et qu’un traducteur se soit occupé de la crédibilité de l’histoire suffit à jeter le doute sur un tel récit. Mais ensuite viennent des détails si éloignés de ses affirmations précédentes que l’on devient sûr qu’il ne s’agit que de mensonges éhontés :
"En novembre 2017, on m'a ordonné de me présenter à une adresse dans la banlieue de la ville, de laisser un message à un numéro de téléphone qui m'avait été donné et d'attendre la police." Après que Sauytbay est arrivée à l'endroit désigné et a laissé le message, quatre hommes armés en uniforme sont arrivés, ont de nouveau couvert sa tête et l'ont emmenée dans un véhicule. Après une heure de voyage, elle est arrivée dans un endroit inconnu dont elle a vite appris qu'il s'agissait d'un camp de "rééducation", qui allait devenir sa prison dans les mois qui ont suivi. On lui a dit qu'elle y avait été amenée pour enseigner le chinois et on lui a fait signer immédiatement un document qui énonçait ses devoirs et les règles du camp.
Dans les récits précédents, Sautbay, membre du PCC, a été « souvent conduite au travail de nuit », n’a pas été enlevée, ni forcée de rester dans le camp pendant des mois.
Connaissant ses nouveaux parrains, Sautbay contredit alors ses déclarations, disant « pas de viande » et « pas de violence », faites pendant l’interview précédente au Globe and Mail :
"Il y avait trois repas par jour. Tous les repas comprenaient une soupe de riz ou une soupe aux légumes et une petite tranche de pain chinois. La viande était servie le vendredi, mais c'était du porc". ... Les commandants du camp réservaient une salle pour la torture, raconte Sauytbay, que les détenus appelaient la "salle noire" parce qu'il était interdit d'en parler explicitement. "Il y avait là toutes sortes de tortures. Certains prisonniers étaient pendus au mur et frappés à coups de matraque électrifiée. D'autres prisonniers étaient assis sur une chaise à clous. J'ai vu des gens revenir de cette pièce, couverts de sang. Certains sont revenus sans ongles."
On se demande qui a écrit pour elle le scénario de cette risible scène de « viols en séries » :
Des larmes coulent sur le visage de Sauytbay lorsqu'elle raconte l'histoire la plus sinistre de son séjour au camp. "Un jour, la police nous a dit qu'elle allait vérifier si notre rééducation réussissait, si nous nous développions correctement. Ils ont emmené 200 détenus dehors, hommes et femmes, et ont dit à l'une d'entre elles de confesser ses péchés. Elle s'est présentée devant nous et a déclaré qu'elle avait été une mauvaise personne, mais que maintenant qu'elle avait appris le chinois, elle était devenue une meilleure personne. Lorsqu'elle a eu fini de parler, les policiers lui ont ordonné de se déshabiller et l'ont simplement violée l'un après l'autre, devant tout le monde. Pendant qu'ils la violaient, ils vérifiaient comment nous réagissions. Les personnes qui tournaient la tête ou fermaient les yeux, et celles qui avaient l'air en colère ou choquées, étaient emmenées et nous ne les revoyions plus jamais. C'était horrible. Je n'oublierai jamais le sentiment d'impuissance, de ne pas pouvoir l'aider. Après cela, il m'était difficile de dormir la nuit".
Elle a également été poussée à proposer des bridges à vendre …
En mars 2020, le secrétaire d’État Mike Pompeo et la première dame Melanie Trump ont « honoré » Sayragul Sautbay en lui remettant le prix international du courage féminin (IWOC) du département d’État :
Sayragul Sautbay est devenue l'une des premières victimes au monde à parler publiquement de la campagne répressive du PCC contre les musulmans, déclenchant ainsi un mouvement contre ces abus. Son témoignage a été l'un des premiers à faire connaître à la communauté internationale la politique répressive du PCC, y compris les camps et les méthodes coercitives utilisées contre les minorités musulmanes.
A la fin de sa propagande, l’article de Haaretz se termine par un commentaire officiel chinois sur les histoires de Sautbay :
Invitée à répondre à la description de Sayragul Sauytbay sur son expérience, l'ambassade de Chine en Suède a écrit à Haaretz que son récit est "un mensonge total rempli d’attaques malveillantes contre la Chine". Sauytbay, précise-t-elle, "n'a jamais travaillé dans un centre de formation professionnelle du Xinjiang, et n'a jamais été détenue avant de quitter la Chine" - ce qu'elle a fait illégalement, a-t-elle ajouté. En outre, "Sayragul Sauytbay est soupçonnée de fraude au crédit en Chine et a des dettes impayées d'environ 400 000 RMB" (environ 46 000 dollars). Au Xinjiang, ces dernières années, a écrit l'ambassade, "la Chine a été sérieusement menacée par le séparatisme ethnique, l'extrémisme religieux et le terrorisme violent. Les centres d'enseignement et de formation professionnels ont été créés conformément à la loi pour éradiquer l'extrémisme, et ce ne sont pas des 'camp de prisonniers'". Grâce à ces centres, selon les Chinois, "il n'y a pas eu d'incident terroriste au Xinjiang depuis plus de trois ans. Le travail d'éducation et de formation professionnelle dans le Xinjiang a gagné le soutien de tous les groupes ethniques du Xinjiang et a reçu des commentaires positifs de nombreux pays du monde entier".
Étant donné la multitude d’incohérences dans les récits de Sautbay, qui changent constamment, et l’objectif de propagande évident qu’ils poursuivent, je suis plutôt enclin à croire la version du gouvernement chinois.
source: https://lesakerfrancophone.fr/les-ouigours-sont-forces-a-manger-du-porc