Un résultat du programme de lutte ciblée contre la pauvreté au Tibet
par Elisabeth Martens, le 25 octobre 2025
En mai 2025, j'ai eu l'occasion de visiter un « village-modèle » situé près de Xigazé où des familles d'anciens semi-nomades avaient été déplacées. École maternelle, dispensaire, magasins, mairie, tout y était comme dans un « vrai village ». Les anciens comme les jeunes semblaient s'y plaire. En interrogeant les membres d'une famille, tous confirmaient qu'ils avaient eux-mêmes choisi de venir vivre dans ce nouveau village.
Ils disaient avoir troqué avec facilité leur ancienne vie pour un peu plus de confort : de l'eau courante, du chauffage en hiver, des légumes à proximité, l'école et les soins de santé assurés, etc. Ce n'étaient pas des avantages à négliger ni pour les anciens, ni pour leurs enfants et petits enfants vivant ensemble dans une maison spacieuse et lumineuse.

Méthodologie de la lutte contre la pauvreté
La campagne de lutte contre l'extrême pauvreté initiée par Xi Jinping en 2013 reposait sur un ciblage précis de la pauvreté dans les villages les plus reculés. Grâce à une administration efficace au niveau des districts et des cantons, il fut possible d'identifier les ménages les plus pauvres. Des équipes de cadres furent dépêchées pour évaluer chaque foyer dans chaque village. Utilisant des critères précis pour déterminer le niveau de pauvreté (revenu annuel, accès à la nourriture, aux vêtements, au logement, à l'éducation et aux soins), ces foyers ont été enregistrés dans une base de données nationale avec un plan d'aide sur mesure.
Après avoir déterminé les causes de la pauvreté des ménages (manque de compétences, isolement géographique, etc.), des solutions appropriées furent appliquées au cas par cas (relocalisation, formation, emploi local). Les progrès de chaque foyer furent suivis par une équipe de fonctionnaires personnellement responsables des résultats.
Une assistance ciblée d'une telle minutie multipliée des milliers de fois à travers tout le Tibet avec des solutions adaptées à chaque contexte (formation professionnelle en ville, soutien à l'élevage en zone pastorale, etc.) a permis d'atteindre l'objectif d'éradication de la pauvreté extrême en RAT. L'année 2021 a clôturé cette période de lutte ciblée.
La famille Tsering relocalisée
En mai 2025, j'ai eu l'occasion de visiter la maison de Sonam Tsering dans un village relocalisé, à environ quarante kilomètres de Xigazé. La famille Tsering, qui réunissait trois générations sous un même toit – une configuration fréquente au Tibet –, avait été transférée en 2017 de son village natal perché à plus de 4.000 mètres d'altitude. Là-bas, elle n'avait accès ni à l'eau courante, ni à un système de chauffage moderne, ni à un centre de santé. L'école primaire, assez éloignée, n'était accessible que par des pistes difficiles, souvent impraticables en hiver, et les revenus dépendaient uniquement d'une agriculture de subsistance et de l'élevage de quelques yaks.
En raison de l'isolement géographique du village, la construction d'infrastructures comme une route n'aurait pas été économiquement viable. Le gouvernement de la Région autonome du Tibet (RAT) a donc proposé une relocalisation intégrale vers un site plus accessible. En août 2015, les 48 familles du village, représentant environ 215 personnes, se sont réunies autour du chef de village pour discuter de ce projet. Le gouvernement régional s'engageait à financer la construction des habitations et des infrastructures, les familles n'ayant à leur charge que l'aménagement intérieur. La proposition fut approuvée à la majorité.
C'est ainsi que les douze membres de la famille Tsering ont emménagé dans une maison moderne et spacieuse, pourvue de l'électricité, de l'eau courante, du chauffage, d'une cuisine, de sanitaires, de deux vastes séjours, d'une pièce dédiée à l'autel domestique, d'un atelier de tissage et de trois grandes chambres. Ils vivent à présent de la nouveau village de Guojia qui compte environ 400 familles au total avec une population de 1800 personnes.

Une route goudronnée reliait désormais le village à Xigazé, permettant aux habitants de se rendre dans la zone industrielle ou de faire des courses en ville, tandis qu'une nouvelle ligne de bus bio était mise en service. Au centre du village, une grande place était devenue un lieu de rencontre et de danse à la nuit tombée. On y trouvait également un centre d'accueil (une sorte de mairie), une petite clinique et une école maternelle. Un service de bus était organisé pour la scolarisation des enfants en ville.

L'économie locale fut dynamisée par la création d'un marché vendant les fruits et légumes d'une serriculture voisine, où de nombreux jeunes trouvèrent un emploi. Les femmes de la famille installèrent un métier à tisser pour promouvoir l'artisanat local auprès des structures touristiques de Xigazé. Un collectif villageois créa une coopérative de plantes médicinales tibétaines, vendues sur place et diffusées dans tout le pays. Enfin, des panneaux solaires offerts par le gouvernement permettaient aux familles de revendre leur électricité excédentaire, arrondissant ainsi leurs fins de mois.

Grâce à ces développements, le revenu annuel moyen par habitant est passé de moins de 2 500 yuans (environ 350 dollars US) à plus de 12 000 yuans (environ 1 700 dollars US) en deux ans. En 2019, tous les foyers du village furent retirés de la liste des familles pauvres, marquant l'éradication de la pauvreté absolue au sein de cette communauté.

























