Henri Tsiang, « la paix debout ! »

par Élisabeth Martens, le 27 avril 2023

Quand je cherche des informations concernant la géopolitique, je surfe volontiers sur le site de l’Institut Schiller (https://www.institutschiller.org/). Leurs intervenants donnent souvent un éclairage innovant à des situations politiques complexes, loin du tapage médiatique. Ce jour-là, je séchais sur un article que j'avais à rédiger sur l'implication de la Chine dans la guerre en Ukraine. C'est de cette manière que je suis tombée sur une vidéo d'une conférence donnée par Henri Tsiang en juillet 2019 à l’Institut Schiller et intitulée « De la mer de Chine à la mer d'Arabie: le renouveau ».

 

Monsieur Tsiang était l'invité de l'Institut Schiller pour présenter son livre « Le Big Bang des nouvelles routes de la soie » co-rédigé avec Pierre Dhomps et sorti en 2017 chez L'Harmattan. Bien que cette conférence précédait le début des hostilités entre la Russie et l’Ukraine, les propos de Monsieur ont bien éclairé ma lanterne : le projet BRI (pour « Belt and Road Initiative ») lancé par Xi Jinping en 2013 s'est vu compromis par le blocage des voies terrestres que la guerre a engendré. Les voies maritimes sont alors devenues une alternative heureuse qui a redistribué les cartes politiques dans les pays du sud-est asiatique et du RCEP (pour « Regional Comprehensive Economic Partnership Agreement »). Le RCEP est le plus grand accord de libre-échange au monde, il réunit pas moins de 2 milliards d'individus et représente 30% du PIB mondial.

Je vous laisse découvrir la conférence de HenriTsiang ici: https://www.institutschiller.org/notre-action/conferences/La-France-et-la-Route-de-la-soie-maritime-39/Les-discours-de-la-conference-88/De-la-mer-de-Chine-a-la-mer-d-Arabie-le-renouveau

en rapport avec mon article ici:

http://www.chine-ecologie.org/penser-l-ecologie-en-chine/dans-le-contexte-international/438-voulons-nous-que-les-nouvelles-routes-de-la-soie-soient-remplacees-par-une-route-des-chars

 

 

Quel ne fut pas mon étonnement quand, quelques mois plus tard, je tombe par hasard sur une vidéo où je reconnais immédiatement Henri Tsiang. A nouveau, il était l'invité de l'Institut Schiller, mais cette fois il parlait de neurosciences en rapport avec les pratiques de Qigong. J'appris qu'il enseignait le Qigong depuis quinze ans. Je me suis alors souvenue que j'avais lu un livre concernant ce sujet, écrit par un personnage étonnant qui avait mené une carrière de chercheur à l'Institut Pasteur et qui, à l'âge de la pension avait décidé de renouer avec ses racines chinoises, car l'auteur de ce livre était franco-chinois. J'ai été rechercher ce livre dans ma bibliothèque, et c'était bien lui ce monsieur qui parlait géopolitique de manière fluide et claire.

J'en suis restée bouche bée : il est rarissime de rencontrer un prof de Qigong qui ne se limite à démontrer les prouesses du Qigong ou à en vanter les effets thérapeutiques, mais prétend expliquer ses effets de manière scientifique en mettant en lumière les mécanismes neurologiques mis en œuvre durant la pratique. Il est encore plus rare que cette même personne s'intéresse aux conflits mondiaux et en propose des analyses lucides et critiques, non influencées par le bruit de fond des médias. Mais il est rarissime que cette même personne soit en plus un musicien de jazz !

J'ose dire que cela m'a ému, simplement parce que je m'y suis retrouvée : je joue du saxophone, j'ai une formation scientifique de biologiste, je suis belge et j'ai passé trois ans en Chine pour étudier la langue et la médecine chinoises, je suis prof de Qigong, de Taiji et de médecine chinoise, et je gère deux sites qui concernent des sujets géopolitiques : tibetdoc.org et Chine-écologie.org. Alors vous excuserez mon émotion, cela font trop de coïncidences pour que je ne sois pas un tant soit peu remuée.

 

 

J'ai donc écouté avec dévotion toute la conférence de Monsieur Tsiang mise en ligne par l'Institut Schiller et intitulée « un regard en coin sur la Chine » (à écouter ici : https://www.facebook.com/InstitutSchiller/videos/521280883190881 ). La présentation de son livre « Descartes au pays du Qigong » (sorti en 2022 chez Interéditions) fut suivie de quasi deux heures de questions-réponses. Les participants y sont chacun allé de leur petite anecdote, qui sur son voyage dans les campagnes chinoises, qui sur ses élèves de Qigong, qui sur l'attitude de la diaspora chinoise en France, qui sur son expérience traumatisante avec un maître chinois, etc. Les Parisiens ont tellement de choses à raconter !... Tandis que Monsieur Tsiang se transformait en un auditeur attentif et poli de ces orateurs improvisés qui se disputaient la parole, une attitude de « WuWei » (principe taoïste de non-intervention dans le cours des choses) qui me le rendit d'autant plus sympathique.

Parmi les remarques, ou parfois même les questions des participants, Monsieur Tsiang eut à répondre aux clichés les plus éculés que les Occidentaux ont sur la Chine : la question des crédits sociaux, des caméras de reconnaissance faciale, celle des droits de l'homme, de la liberté d'expression, du statut de Taiwan, de la répression des Ouïgours et, évidemment, la question tibétaine.

Ce à quoi il dit avoir parcouru 4.000 km sur les routes du Tibet et des régions tibétaines, un voyage durant lequel il a eu l'occasion de rencontrer et d'échanger avec des gens locaux. La majorité de ceux-ci, disait-il, ne se plaignait pas de la présence chinoise, au contraire, ils se rendaient compte que sans l'aide gouvernementale, le Tibet ne serait jamais arrivé à un tel stade de développement actuellement. De plus, ils s’exprimaient entre eux en langue tibétaine, toutes les pancartes, affiches, signalisation étaient bilingues (chinois-tibétain), les enfants apprenaient le tibétain à l'école et le chinois comme deuxième langue, les monastères étaient peuplé de moines bouddhistes qui pratiquaient leur culte librement, les villes étaient entourées de serres à légumes et à fruits où travaillaient des nomades reconvertis en agriculteurs. Monsieur Tsiang concluait que si le Tibet avait eu à répondre aux exigences du dalaï-lama, « le Tibet serait retourné à un régime théocratique »... « Comme dans les pays islamistes? » a demandé une voix inquiète dans la salle. « Exactement », a-t-il répondu avec son sourire franc.

... Un témoignage honnête qui raie d'un coup de crayon les accusations des experts indépendants de l’ONU comme quoi « des programmes dits de "transfert de main-d’œuvre" et de "formation professionnelle" dans la région autonome du Tibet en Chine sont utilisés comme prétexte pour saper l’identité religieuse, linguistique et culturelle tibétaine, mais aussi pour surveiller et endoctriner politiquement les Tibétains ». (https://news.un.org/fr/story/2023/04/1134612) Ces soi-disant experts n'ont visiblement jamlais mis les pieds au Tibet et rédigent des âneries à la solde du plus gros cachet qui leur sera versé.

 

 

Je me suis alors dit que le prénom que lui ont donné ses parents était prémonitoire... ou est-ce l'inverse : sa double nationalité l'a-elle conduite vers une actualisation de son prénom chinois « An Li 安 立 »? Ces deux caractères peuvent se traduire par « la paix debout ! ». La paix ne s'élève-t-elle pas là où l'être humain observe le réel, n'éclot-elle pas à partir des réalités tangibles, d'une analyse de situations concrètes, et non pas des rumeurs, des « on-dit », des baratins qui ne font qu'alimenter les « feek-news » ? La « question tibétaine » est l'exemple type d'un mensonge médiatique de grande ampleur et de longue durée : il a touché une grande partie de la « gauche » occidentale et dure depuis plus de septante ans. Pourtant, les recherches patientes de tibétologues avertis ont démontré que ce que les médias nomment le « conflit sino-tibétain » n'est nullement un conflit entre le Tibet et la Chine, mais est une polémique inventée de toute pièce par les États-Unis en vue de déstabiliser la Chine, le dalaï-lama servant de Joker entre les deux parties. (voir les nombreux articles sur tibetdoc.org)

Combien faudra-t-il encore de « An Li 安 立 » pour que la paix s'élève au centre des préoccupations politiques ? Combien faudra-t-il encore de leçons comme celles données par la « question tibétaine » pour que nous comprenions que les quelques puissants de la planète, financiers et politiques mêlés, ont acheté les médias dans le seul but de sauvegarder le système profondément injuste dans lequel nous vivons depuis la fin de la Seconde guerre mondiale ? (à ce propos, ne pas manquer le remarquable documentaire « Les nouveaux chiens de garde » : https://www.youtube.com/watch?v=dLMDGEfAruY ). Iront-ils une fois de plus jusqu'à éteindre des civilisations entières ? Pire, iront-ils jusqu'à sacrifier l'incroyable beauté et complexité du vivant ?

La guerre en Ukraine est une nouvelle démonstration de la servilité d'une « médiacratie » commandée par les bonzes de ce système. Que ce soient les États-Unis et leurs alliés (pays de l'Otan) ou la Russie, ni les uns ni les autres ne semblent entendre les appels répétés de la Chine au dialogue pour la paix et au multilatéralisme. Comme aime à le rappeler Bruno Guigue, un homme qui a le « cœur au milieu » (le « zhong » 忠, la vertu confucéenne d'honnêteté)  : « les États-Unis et leurs alliés ont multiplié les guerres et les massacres au cours des quatre dernières décennies, tandis que la Chine s’en est soigneusement abstenue. Un cliché médiatique occidental incrimine le pays du milieu pour la soi-disant « brutalité » de son rapport aux autres, mais on se demande sur quels faits s’appuie une telle interprétation. Encore un effort de leur part pour nous enfumer, et ces journalistes à la déontologie irréprochable nous feraient presque oublier que les Somaliens, les Serbes, les Afghans, les Irakiens, les Soudanais, les Libyens et les Syriens n’ont jamais reçu de bombes chinoises sur la tête. » (https://www.legrandsoir.info/pourquoi-la-chine-ne-fait-pas-la-guerre.html)