En visite chez l’agriculteur Dorje

par Jean-Paul Desimpelaere, le 22 février 2009

Chaque fois que je la regarde, la femme de Dorje tire sa langue aussi loin qu’elle peut, en signe de bienvenue. La famille de Dorje vit de manière modeste, à la limite de la précarité, mais peu à peu leur situation s’améliore. Une des filles réside officiellement chez eux, mais comme elle travaille dans un hôpital à Lhassa, elle loge le plus souvent chez un oncle qui travaille aussi à la capitale dans une agence de banque. Un autre de ses oncles est militaire à Lhassa. Les deux oncles versent annuellement un soutien financier à leur frère, Dorje. Avec le revenu de la fille, la famille arrive à se hisser tout juste au-dessus du seuil de pauvreté.

 

Dorje habite dans ce village qui compte quarante-cinq familles depuis l’année 2000. Il a été obligé de déménager parce que son ancienne maison, située en contrebas, a été emportée par le torrent. A ce moment-là, un quart d’hectare lui a été attribué. La terre étant fertile, Dorje en tire 1 tonne d’orge par an. Il ne possède que huit bêtes.


Dorje et sa femme vivent ensemble depuis 26 ans, et ce n’est qu’aujourd’hui qu’ils commencent peu à peu « à bien vivre », selon leurs critères. Ils sont parvenus à acheter un petit tracteur, avec lequel ils font aussi du transport pour d’autres fermiers, ainsi que pour des projets de construction mis en place par les autorités locales.


Leur maison n'est pas très grande et n'a pas été rénovée récemment. Pourtant, Dorje a consacré une des pièces aux dévotions, comme le veut la coutume. Dans la cuisine, ils se servent encore d’un brûle-tout traditionnel, avec un trou percé au plafond pour l’évacuation de la fumée, tout aussi traditionnel.

L’hiver, ils se tiennent bien au chaud dans la cuisine, car il n’y a pas de chauffage dans les autres pièces. Dans la cour, se trouve un robinet d’eau courante (bientôt chaque village de la R.A.T. sera approvisionné en eau potable). Mais leur « luxe », c’est d’avoir une petite télé portable. Des affiches d’anciens dirigeants politiques (Mao, Deng et Jiang Zemin) décorent la pièce de séjour.


La fille aînée est mariée et n’habite plus avec ses parents ; elle travaille à la gare de Lhassa. Son petit garçon, né dans la maison paternelle, est resté chez ses grands-parents. L’enfant rejoindra sa mère à la capitale lorsqu’il sera en âge de scolarité. J’ai pu constater dans toutes les familles que j’ai visitées, des plus démunies au mieux loties, qu'une grande importance est accordée à la scolarité des enfants.