Des "communes populaires" à l’exploitation semi-individuelle des terres

par Jean-Paul Desimpelaere, le 20 janvier 2009

En 1982, le système des « communes » a été supprimé en Chine. Mais en quoi consistait-il exactement ? Les habitants d’un village réalisaient toutes sortes de tâches agricoles en commun, sur l’ensemble des terres cultivables du village. Chacun recevait un petit salaire suivant le nombre d’heures prestées et la difficulté du travail à effectuer. Les surplus agricoles du village étaient dirigés vers les chefs-lieux des cantons sans qu’une réelle comptabilité ne soit tenue. Seul importait le choix des produits et le tonnage à réaliser. On pourrait dire qu’il s’agissait d’un système de « hyper-socialisme » auquel ni les techniques agricoles ni les habitants n’étaient préparés. De plus, dans un tel carcan, il n’y avait aucune marge de manœuvre pour des initiatives individuelles... Comment s'est déroulée la transition en R.A.T. ?

 

trieuse à grains dans la région de Lhassa (photo JPDes, 2008)
trieuse à grains dans la région de Lhassa (photo JPDes, 2008)

En R.A.T., le système des communes avait permis une progression rapide. Les productions céréalières et celle du cheptel ont carrément doublé durant cette époque, la ration alimentaire par habitant a grimpé proportionnellement. Cependant, au niveau structurel, rien ne bougeait.

Certes, les paysans mangeaient un peu mieux, mais l’économie restait une économie de subsistance.
Les travaux « collectifs » ont été bénéfiques principalement dans le secteur de la construction : travaux d’irrigation et voies de communication. Ce sont surtout des ponts qui ont été construit à cette époque, pour éviter que les routes ne soient emportées par les crues d’été.

Durant la Révolution Culturelle (1966-1976), 90 ponts ont été construits, et pas des moindres : d’une portée de minimale de 60 mètres. Certaines mauvaises langues prétendent qu’ils le furent avec les ruines des temples démolis… hé bien non, les temples n’étant pas en béton ! Grâce à ces travaux, environ trois-quarts des villages sont accessibles en véhicule motorisé aujourd’hui (en 2008), bien que ce soient encore souvent des chemins de terre qui y mènent. D’ici 2010, il est prévu que le réseau routier desserve chaque village de la R.A.T.


D’autres réalisations furent réalisés à l'époque des Communes, entre autres concernant les soins de santé et l'éducation.

L'accès à l'école primaire a été facilité (1) , la mortalité infantile a été réduite drastiquement (un enfant sur deux mourrait dans l’ancien Tibet), les vaccinations ont été généralisées, surtout contre la variole qui, dans l’ancien régime, décimait régulièrement la population, etc. Les effets néfastes de la Révolution Culturelle sont mieux connus chez nous : la culture, la religion et la langue du Tibet ont particulièrement souffert durant cette période.
En 1982, lors de la réforme agraire, les terres ont été redistribuées.

Le critère pour définir la superficie attribuée était la taille de la famille : plus nombreuse était la famille, plus grand était le lopin de terre. La superficie des parcelles se situait entre un quart d’hectare et deux hectares par famille. C’est peu de chose, me direz-vous, mais à cette époque, il n’y avait pas plus de terres arables à distribuer. Elles ont été laissées aux familles pour que celles-ci les cultivent pour une durée indéterminée, alors qu’ailleurs en Chine, les terres on été louées aux agriculteurs par année.


En R.A.T., durant les années soixante et septante, la superficie totale des terres arables a doublé par rapport à celle de l’ancien régime. En 1982, lors la Réforme agraire, la superficie totale avait atteint 228.000 hectares. Toutefois, la population de la R.A.T. avait elle aussi doublé.

Après 1982, la surface totale des terres arables est restée la même, alors que la population n'a cessé d'augmenter. La conséquence logique fut que la surface agricole moyenne par famille s’est presque réduite de moitié. Actuellement, elle n’est plus que de 0,5 hectare.


Fort heureusement, les techniques se sont améliorées. Aujourd’hui, deux-tiers des champs sont pourvus de systèmes d’irrigation (datant pour la plupart d’avant 1982), ce qui a permis d’augmenter le rendement par hectare et d’accompagner les besoins alimentaires d'une population en croissance continue.

 

En pratique, la communauté villageoise est encore un ’collectif’ d’entraide, comme ici, lors du traitement des récoltes. (photo jpd, 2008)
En pratique, la communauté villageoise est encore un ’collectif’ d’entraide, comme ici, lors du traitement des récoltes. (photo jpd, 2008)


Le Tibet est maintenant autosuffisant en céréales, viande, lait, fromage et beurre, mais pas encore en légumes. On compte deux fois plus de yaks et de vaches que d’habitants, et six fois plus de moutons et de chèvres que d’habitants. Le nombre d’animaux devient excessif par rapport au peu d’herbe qu’offre l’étendue des hauts plateaux.

Note :
(1) voir à ce sujet « Education in Tibet, policy and practice since 1950 » van Catriona Bass, une édition conjointe de la Tibet Information Network à Londres et Zed Books en 1998.