Quelques éléments de démographie tibétaine
par Jean-Paul Desimpelaere, le 18 mars 2009
Ci-dessous, nous examinons quelques éléments démographiques caractérisant le Tibet durant le millénaire passé.
Des documents datant de 1268 attestent que la dynastie Mongole (dynastie Yuan) a effectué un recensement dans le centre et l’est du Tibet, ceci dans le but de prélever des taxes. Ils sont arrivés au chiffre de 700.000 personnes (1). En extrapolant pour les territoires qui n’avaient pas été pris en compte, comme Sakya et Ngari, il est en général admis que la région autonome du Tibet comptait alors un million de personnes.
Entre 1734 et 1756, les empereurs Yongzheng et Qianlong de la dynastie Mandchoue (dynastie Qing) ont également ordonné un recensement. Résultat : également un million de personnes (2). Qianlong fut surpris de constater qu’environ 1/3 de la population mâle avait choisi le célibat et vivait dans les monastères. En 1830, l’empereur Qing, Daoguang a ordonné un nouveau recensement sur toute la région de l’actuel Tibet, toujours dans le but de récolter des impôts. Résultat : encore un million d’habitants (3). Et en 1953, le 14ème dalaï-lama a lui aussi compté 1,2 millions d’habitants.
Il n'y eu donc quasi pas d’accroissement de la population durant ce millénaire à cause de la rudesse de la vie, des épidémies et du nombre élevé de moines.
Etait-ce « une société qui vivait en harmonie avec la nature », comme le laisse supposer le dalaï-lama ? En effet, dans son « projet international pour le développement du Tibet et guide pour un développement durable » paru en avril 2004, le 14ème dalaï-lama décrit le Tibet d’antan comme un pays « de tradition avec un système de production durable qui fonctionne depuis des milliers d’années, où l’homme et la nature vivent en harmonie, et où, pendant des siècles, suffisamment de terre a été cultivée pour pouvoir y bien vivre de manière continue. » (4) L’ancienne société tibétaine avec ses grandes propriétés foncières et son servage était-elle un exemple de vie écologique et harmonieuse ? C'est une idée qu'on retrouve dans nos milieux bio-bo-bo.
Mais regardons d’un peu plus près de quoi se composait l'alimentation ordinaire au Tibet : 200 gr de farine par jour, 200 gr de navets ou de semences de colza par mois, ainsi qu’un peu de lait, de la viande de yack ou de mouton… et c’est tout. De ceci, il fallait encore retirer ce qui devait être cédé aux grands propriétaires et aux monastères (qui comptaient d'ailleurs parmi les propriétaires fonciers). Les moines et les lamas de l'école Gelugpa du bouddhisme tibétain étaient entretenus par les paysans, ce qui a constitué un réel frein au développement économique du Tibet.
L’idéologie qui sous tendait cette organisation sociale était puisée dans le dharma : la négation de l’ego, les propres désirs étant considérés comme source de toute souffrance, et le karma. De ce fait, il était normal qu'un enfant sur deux mourrait, ceci jusque dans les années cinquante. Les femmes accouchaient dans des conditions d’hygiène déplorables. En 1990, la mortalité infantile a été ramenée à 1 sur 10, ce qui reste encore élevé.
Des études montrent que l’espérance de vie diminue de quatre mois par 100 m d’altitude. Moralité : vivez à 4000 m d’altitude et vous n'aurez plus à vous préoccuper de votre épargne-pension.
Notes :
(1) China Tibet Information Center, website
(2) idem
(3) idem
(4) CTA