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Les monts Kawakarpo ou monts Meili

par Jean-Paul Desimpelaere, le 9 mai 2010

Les monts Kawakarpo, ou Meili en chinois, se situent dans l’extrémité nord-ouest de la province du Yunnan, sur le cours supérieur du Mékong et juste en bordure de la frontière tibétaine.

Le pic le plus élevé de la chaîne du Meili s’appelle Kawagebo (6740 m), ce qui signifie : « dieu des monts enneigés ». L’école « Kagyupa » du bouddhisme tibétain le vénère comme montagne sacrée. En 1991, une expédition d’alpinistes composée de six Chinois et onze Japonais, a été précipitée dans le vide par des avalanches. Sept ans plus tard, on les a retrouvés, quatre kilomètres plus bas, enfouis dans le glacier Mingyong. Selon la croyance populaire, les avalanches sont causées par le dieu Kawagebo qui, quand il est en colère, secoue ses épaules pour punir ceux qui défient son pouvoir.

Chaque montagne sacrée a ses attributs, ses attraits et son signe zodiacal. Le signe du Kawagebo est le mouton, donc beaucoup de pèlerinages s'organisent après les moissons, pendant le dernier mois de l’été, et surtout pendant l’année du mouton.

La chaîne de montagnes du Meili sépare les profonds canyons du Mékong et de la Salouen, distants d'à peine 50 km (1). Autrefois, ces vallées reliaient la Chine à la Birmanie et l’Inde, le Kawagebo était un repère important sur la route des caravanes. Cette route commerciale entre le Tibet et le Yunnan existe encore.

Plusieurs montagnes sacrées du Tibet se dressent le long de cette route commerciale, dans une des régions les plus inhospitalières du Tibet. Rien que d’atteindre et de voir les monts du Meili est une bénédiction selon la croyance populaire, ils sont devenus des lieux de pèlerinage du lamaïsme.

Le Kawakarpo, dont le sommet est souvent caché dans les nuages (photo JPDes. 2007)
Le Kawakarpo, dont le sommet est souvent caché dans les nuages
(photo JPDes. 2007)

Mais même les pèlerinages n’échappent pas à la modernisation. Dans les plus petits villages, on trouve maintenant des dancings, on y sert de la bière en bouteilles à prix d’or au lieu de la traditionnelle bière d’orge. Des bouteilles vides, des boîtes et des emballages en frigolite jonchent le chemin des pèlerins.

Une randonnée autour de la chaîne de montagnes en sens horaire démarre du village de Yangzan, elle fait 280 km de long et dure minimum dix jours. Un circuit de 28 km, pour les croyants moins convaincus, se boucle en deux journées. C’est inimaginable d’où et de quelle distance viennent les pèlerins tibétains, généralement des Khampa (2).

Un collègue chercheur a rencontré un jour un groupe de tibétains originaires du Garze, un département qui se trouve des centaines de kilomètres plus au Nord. Ils avaient commencé leur pèlerinage par une visite au monastère de Pelcho dans le Garze même, ils avaient poursuivis leur voyage jusqu’à Lhassa et Xigaze pour visiter les monastères de Tashilumpo et du Jokhang. Pour finir, ils voulaient rentrer par l’ouest, par la route Lhassa-Yunnan, jusqu’au mont Meili. Ils voyageaient dans un camion qu'ils avaient loué, mais ils ont dû faire les trente derniers km à cheval et à pied parce que même un véhicule tout terrain n’arrivait pas au sentier qui fait le tour du mont Meili.

Un autre groupe, d'environ 60 personnes, venait d’encore plus loin, du Qinghai. C’était tous des Tibétains du département autonome de Golog. Dans les provinces limitrophes du Tibet, certains départements ont reçu le statut « d’autonomie », quand une certaine ethnie y vit en majorité. Par exemple, le Qinghai, qui est une province chinoise comme les autres, est composé à plus de 80% de départements autonomes : Hui, Mongols et Tibétains.

Le village situé le plus haut dans les monts Meili est Yubeng. Plus ou moins vingt-cinq familles tibétaines y vivent. Le village est enneigé et coupé du monde de décembre à avril. Il y a un petit hôtel pour les pèlerins de l'automne, mais la plupart d'entre eux dorment à l'extérieur, dans un endroit abrité, ou dans des petits temples. Un sentier mène de Yubeng à la cascade sacrée, située à 4500 mètres d'altitude. Tous les pèlerins y viennent en priant et en chantant pour s'y laver dans une glacée après la longue marche en montagne. Jr'ai rencontré par exemple une frêle dame de 64 ans, Tashi Chusu, qui fait le pèlerinage tous les ans depuis ses neuf ans. Elle veut continuer à le faire tant qu’elle le peut, et en dépit des révolutions et des missionnaires. Car ceux-ci étaient présents jadis, avec la cathédrale de Cizhong bâtie en 1905 à proximité des monts Meili. Les gens qui vivent autour de l'église y vont encore deux fois par an, à Pâques et à Noël, pour y chanter des psaumes chrétiens.

Notes :

  1. Les vallées du Mékong et de la Salouen se trouvent à une altitude d’environ 2000 mètres. Le canyon a donc une profondeur de plus de 4000 mètres.

  2. Pa ou po veut dire « gens » en tibétain. Les « Khampa » sont donc les gens du Kham.