Lithium et Tibet
par Élisabeth Martens, le 13 novembre 2023
L'australien Gabriel Lafitte, "spécialiste du Tibet", accuse le gouvernement chinois de détruire le paysage et l'écologie du Tibet. Avec le groupe "Turquoise Roof" dont il est un partenaire privilégié, il dénonce "une ruée vers l'or blanc, le lithium" qui doit répondre à l'essor fulgurant des véhicules électriques en Chine.1
L'essor du véhicule électrique en Chine est incontestable : de janvier à novembre 2023, 5,03 millions de voitures particulières à énergie nouvelle ont été vendues par l'intermédiaire des canaux de vente au détail dans le pays, soit une augmentation de 100,1 % par rapport à l'année précédente, selon l'Association des voitures particulières de Chine.2 Pour satisfaire ce marché, la production de lithium a explosé. Le prix de l’hydroxyde de lithium (nécessaire dans les piles) a augmenté de 10x en quelques années. Il atteint cette année le record de 70.000$ à 80.000$ par tonne.
Cependant, la Chine ne compte pas parmi les plus grandes réserves de lithium dans le monde, elle n'est pas non plus parmi les plus grands producteurs de lithium. En 2022, le Chili, l'Australie et l'Argentine étaient en tête du peloton.
Or les chercheurs, les scientifiques, les experts en technologie et les journalistes de l'équipe internationale de "Turquoise Roof", Gabriel Lafitte en tête4, affirment que l'exploitation du lithium menace l'écologie du Tibet : "Un boom du lithium est en cours au Tibet oriental, les géologues chinois ayant établi qu'au moins 85 % des réserves de la RPC en ce minéral essentiel se trouvent sur le plateau. Les scientifiques chinois ont déployé pour la première fois de nouvelles technologies de télédétection pour détecter des gisements de lithium en roche dure dans les régions reculées du Kham et de l'Amdo, dans la province du Sichuan. Les images satellites visionnées pour ce rapport révèlent une vaste ceinture de minerai "dormant dans les hautes montagnes et les vallées profondes", selon les médias d'État chinois, qui la décrivent comme le plus grand gisement de lithium d'Asie."5
Comme tous les "Amis du Tibet", les scientifiques de "Turquoise Roof" prennent un malin plaisir à brouiller les pistes: quand ils parlent du Tibet, ce n'est pas du Tibet actuel qu'ils parlent, mais de ce que le dalaï-lama a appelé le "Tibet historique", un territoire qui couvre le double de la surface actuelle du Tibet et qui équivaut à un quart de la Chine. C'est ce territoire immense (5x la France) qui est revendiqué par les exilés tibétains, soit 2% des Tibétains dans le monde.
L'équipe de "Turquoise Roof" précise qu'il s'agit "de zones reculées du Kham et de l'Amdo": c'est bien ainsi qu'on appelait ces régions durant l'ancien Tibet. On parle actuellement des provinces du Qinghai et du Sichuan. Peu importe, direz-vous ? Non, pas du tout, car la confusion est une des armes privilégiées de "l'International Campaign for Tibet" (ICT).
"Turquoise Roof" qui se présente comme un "réseau de chercheurs tibétains" est en réalité une des nombreuses antennes de l'ICT, une ONG créée dans les années 1970 avec les finances des États-Unis afin de soutenir les revendications d'indépendance du Tibet. En 1949, le ministre des Affaires étrangères des États-Unis avait déjà qualifié le Tibet de «zone stratégiquement importante »: « Puisque l'indépendance du Tibet peut servir la lutte contre le communisme, il est de notre intérêt de le reconnaître comme indépendant au lieu de le considérer comme faisant partie de la Chine », a-t-il déclaré.2
Depuis lors, le mouvement pour l'indépendance du Tibet n'a cessé de prendre de l'ampleur. Il est devenu international et a fait beaucoup de petits (ex.: "Free Tibet", les "Amis du Tibet", "International Tibet Network", etc.). Avec eux, les fake news qu'ils ont transmises depuis 60 ans sont devenues des vérités à la Goebbels, ministre de la propagande du Troisième Reich : « Un mensonge répété mille fois devient une vérité ». Ces fake news ne visent qu'une seule chose: l'explosion de la Chine.
Gabriel Lafitte, un des "spécialistes du Tibet" engagé par "Turquoise Roof" est aussi un proche du "Tibetan Youth Congres » (TYC) pour qui il donne des conférences.6 Le TYC est la formation politique la plus importante au sein de la communauté des Tibétains en exil. Le TYC est également constitué en ONG et financé par les États-Unis. Or dans ses statuts, le but de TYC est clair : « Lutter pour l'indépendance totale du Tibet même si cela doit coûter des vies humaines. »7 Les dirigeants du TYC sont des amis du dalaï-lama : le TYC serait-il la face cachée du Prix Nobel de la Paix-1989 ?
On comprend mieux les positions belliqueuses de "Turquoise roof" : "La République populaire de Chine (RPC) transforme rapidement les paysages physiques, numériques et sociaux du Tibet. Bien que les efforts de colonisation se déroulent au vu et au su de tous, ils sont dissimulés à l'attention du public international." Évidemment, la Chine se transforme à une allure qui nous impressionne, Tibet compris puisqu'il s'agit d'une Région autonome de la Chine. L'équipe scientifique de "Turquoise Roof" voudrait sans doute maintenir le Tibet au stade d'avant 1951 quand le Tibet était le pays le plus heureux et le plus spirituel du monde, avec un taux de mortalité infantile de 45%, une espérance de vie d'à peine 35 ans, un analphabétisme de plus de 95% ? Un pays si proche des dieux...
Aujourd'hui, en 2023, les Tibétains sont représentés à 92% dans la Région autonome du Tibet. Peut-on appeler cela une "colonisation"? Une "occupation"? Les Tibétains sont scolarisés, ils ont accès aux soins de santé, ils ont des projets de vie, ils sont fiers de leurs traditions et de leurs paysages et beaucoup s'engagent activement dans la lutte contre le réchauffement climatique et la conservation de la biodiversité du haut Plateau. Il y a trois jours, le 10 novembre, un responsable du gouvernement du Tibet a déclaré que le plateau Qinghai-Tibet a atteint la neutralité carbone, que le taux de couverture forestière dans la région du plateau a augmenté de 12,31%, que la proportion de jours avec une qualité de l'air excellente ou bonne au Tibet a dépassé 99%, et que Lhassa, capitale de la région, se place au premier rang dans le pays en ce qui concerne la qualité de l'air.
Par ailleurs, la coopération économique et commerciale entre la Chine et l'Australie est prometteuse, et de nouvelles opportunités devraient émerger dans des domaines tels que la réponse au changement climatique et le développement de l'énergie propre. M. Raj, Mr. Raj Surendran, le président de la "Tianqi Lithium Energy Australia Pty Ltd" (TLEA), une joint-venture entre la Chine et l'Australie, a parlé du dévouement et de l'engagement de la TLEA à soutenir l'Australie dans la réalisation d'émissions nettes zéro et à répondre à la demande mondiale croissante de véhicules électriques et de stockage d'énergie dans des batteries.8
Ce n'est pas ce genre de nouvelles que nous trouverons dans le bulletin de "Turquoise Roof" qui en est à son tout premier numéro en octobre 203. Quant à Gabriel Lafitte, il ne cache pas ses sympathies: il est l'auteur de "Happiness in a material world: the Dalai Lama in Australia" qu'il a écrit avec Alison Ribush (Lothian, 2002). Ces deux adeptes du bouddhisme tibétain et de la "cause tibétaine" se sont engagés sur les voies de "Free Tibet", aux côtés de "France-Tibet" qui a tôt fait de relayer les infos sur l'exploitation outrancière du lithium dans les mines du Sichuan.
"France-Tibet" n'en rate pas une : l'article du 1er novembre 2023 consacré à l'exploitation du lithium est intitulé : "Rapport de Turquoise Roof, un réseau de chercheurs tibétains. Du saccage écologique du Tibet colonisé par la Chine depuis 1949 ou le sac du Palais d’été : quelle différence?"9 Ces ignares ne sont-ils pas au courant que le "sac du Palais d'été de Pékin" est une œuvre des Français et des Anglais ? Le 18 octobre 1860, ces derniers pillent puis brûlent le Palais d'Été de l'empereur de Chine, une des merveilles du monde part ainsi en fumée. La Chine n'était nullement l'acteur de ce saccage, elle en était la cible.
Après "France-Tibet", ce fut le tour de la "Société d'amitié Suisse-Tibet" qui s'est empressée de divulguer l'info sur le lithium, puis "Le Monde", "Le Figaro", la "BFM Business", etc., c'est devenu un buzz qui a fait le tour du monde en même pas quelques jours : Mexique, Japon, Pérou, Canada, Argentine... Avec la terreur du "monde libre" qui voit s'écrouler son système ultralibéral, pas un jour ne passe sans que la Chine ne soit prise pour cible par l'un ou l'autre "bienfaiteur des démocraties occidentales". Le Tibet reste un joker de premier choix dans la guerre économique qui oppose Washington à Pékin et "Turquoise Roof" n'est certainement pas le "petit dernier" de "l'International Network" dans l'actuel climat de sinophobie.
Notes :
1 https://www.youtube.com/watch?v=aeTb-5cka4w
2 https://francais.cgtn.com/news/2022-11-14/1592021974925152258/index.html
3 https://fr.statista.com/statistiques/570560/reserves-mondiales-de-lithium-par-pays/
5 https://turquoiseroof.org/white_gold_rush_in_tibet/
6 http://tibetanyouthforum.blogspot.com/2010/
7 https://www.tibetanyouthcongress.org/aimsobjectives/
8 http://en.tianqilithium.com/content/details17_1039.html
9 http://tibet.fr/actualites/rapport-de-turquoise-roof-un-reseau-de-chercheurs-tibetains-du-saccage-ecologique-du-tibet-colonise-par-la-chine-depuis-1949-ou-le-sac-du-palais-dete-quelle-difference/